Peines, tortures et supplices
d'arriver à Tyburn dans l'ignoble charrette, il se fit conduire dans un superbe carrosse tiré par six chevaux. Il portait son habit de noces et des gants blancs.
Le bourreau consentit à le pendre avec une corde de soie. On inventa pour l'occasion le système de la trappe ( drop ). Autrefois, on se contentait de conduire le condamné sous le gibet sans le faire descendre de la charrette, puis, lorsque le bourreau avait disposé la corde autour du cou de la victime, la voiture avançait et le condamné perdait pied. Ce système était cruel en ce sens qu'il n'y avait pas de choc violent, et que la mort était loin d'être instantanée.
Le comte, lui, en homme qui sait bien mourir, se fit dresser un échafaud garni à son milieu d'une planche mobile sur laquelle il se plaça et qui s'enfonça brusquement à un signal donné du bourreau.
Lorsque l'exécution fut terminée, le peuple se disputa à coups de poing la possession de la corde de soie. On a conservé soigneusement cette relique jusqu'à nos jours, ainsi que le compte du marchand qui avait fait cette malheureuse corde.
Les spectateurs se disputèrent aussi le drap noir qui recouvrait la potence. Quant au somptueux véhicule qui avait transporté le comte Ferrers à Tyburn, il fut acheté par un carrossier d'Acton.
CINQUIÈME PARTIE
LA GUILLOTINE
I.
Son histoire.
Le Corsaire a publié, sous la signature de M. Deguin, les détails suivants sur l'origine de la guillotine:
«C'est le 25 avril 1792 qu'on vit fonctionner pour la première fois, à Paris, une machine étrange destinée à couper des têtes.
«À cet effet, une foule immense de curieux se pressait sur la place de Grève. Qui allait-on exécuter? Un assassin vulgaire.
«Tout à coup un grand silence se fit... le couteau meurtrier glissa dans les rainures de la fatale machine, et une tête tomba.
« Sainte Guillotine, vierge! selon l'expression de l' Almanach des Aristocrates de 1791, venait d'exécuter son œuvre. On pouvait bien encore l'appeler sainte , mais pour vierge! elle ne l'était plus.
«De ce moment, la guillotine eut son droit de cité dans la grande capitale.
«Le malheureux qui venait ainsi de passer de vie à trépas se nommait Jacques-Nicolas Pelletier, et avait été condamné à la peine de mort par le tribunal criminel du département de Paris, tribunal nouvellement institué, pour vols et assassinats sur les grands chemins.
«Après l'exécution, la foule se retira beaucoup moins impressionnée que surprise.
«Comme, à cette époque, beaucoup s'imaginaient que la nouvelle machine des hautes-œuvres avait été inventée par le docteur Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie de médecine, qui n'avait fait que la perfectionner, quelques-uns la nommèrent Louison , d'autres Petite Louisette ; la Mirabelle n'est qu'un surnom qui lui fut donné momentanément par les Actes des Apôtres , qui, par dérision sans doute, voulait en faire « la femme de Mirabeau .» Mais son premier nom prévalant, on ne tarda pas de la nommer du nom qu'elle a encore aujourd'hui, guillotine .
—Pourquoi? se sont demandé et se demandent encore beaucoup de personnes.
«Par une raison très-simple, c'est que ce nom lui a déjà appartenu.
«Examinons les dates.
«C'est par l'Assemblée législative que l'Académie de médecine fut chargée de faire un rapport sur la question des hautes-œuvres. À quelle époque celle-ci présenta-t-elle son rapport, signé du docteur Louis?
—Le 7 mars 1792.
«À quelle époque l'Assemblée sanctionna-t-elle les conclusions de ce rapport?
«—Le 20 du même mois.
«Or, dès le mois de novembre 1789, on chantait dans les rues de Paris, sur l'air du menuet d'Exaudet, cette chanson: Les Défenseurs de la noblesse , insérée dans les Actes des Apôtres .
Guillotin,
Médecin,
Politique,
Imagine un beau matin
Que pendre est inhumain
Et peu patriotique.
Aussitôt
Il lui faut
Un supplice
Qui, sans corde ni poteau,
Supprime du bourreau
L'office.
C'est en vain que l'on publie
Que c'est pure jalousie
D'un suppôt
Du tripot
D'Hippocrate,
Qui, d'occire impunément,
Même exclusivement,
Se flatte.
Le Romain
Guillotin
Qui s'apprête,
Consulte gens du métier.
Barnave et Chapelier,
Même le coupe-tête
Et sa main
Fait soudain
La machine
Qui simplement nous tuera
Et que l'on nommera
GUILLOTINE .
«Et celle-ci, sorte de pot-pourri, beaucoup moins réussie, mais qui fait parler Guillotin dans deux de ses couplets:
En rêvant à
Weitere Kostenlose Bücher