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Peines, tortures et supplices

Peines, tortures et supplices

Titel: Peines, tortures et supplices Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anonymous
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fusillés dans une petite ville de l'Ouest, j'ai vu un nom qui m'a fait tressaillir. Le pauvre diable qui le portait, et que j'ai connu il y a longtemps, ne devait pas avoir grand'chose à regretter en quittant ce monde.
    C'était un de ces êtres inquiets, fantasques, qu'on ne trouve jamais enrégimentés que sous la bannière du hasard; il avait passé sa vie à conspirer contre le gouvernement d'Isabelle, comme il l'eût fait sans nul doute contre tout autre, et il ne pouvait guère finir autrement qu'avec douze balles dans la poitrine.
    Ce malheureux avait autrefois raconté devant moi la mort de son père; c'était un drame lugubre qui avait impressionné mon enfance, et dont les circonstances émouvantes viennent en un instant de se représenter à mon souvenir.
    Voici cette histoire,
    Benito G..., après avoir servi comme officier pendant quelques années, avait quitté la carrière militaire et s'était marié. Il vivait heureux entre sa femme et son enfant, lorsque des circonstances imprévues vinrent détruire sa modeste position: il perdit tout ce qu'il avait, et fut obligé de reprendre du service.
    Benito, jeune encore, quitta sa famille et rentra avec son grade dans un régiment des gardes de la reine.
    On était en 1836, au moment où l'Espagne, en proie à une guerre civile acharnée, se demandait chaque soir si le trône serait encore debout le lendemain matin. Le régiment de Benito occupait la ville de Soria, et tenait la campagne aux alentours, où se montraient depuis quelque temps des bandes carlistes menaçantes.
    Benito G... était un bon officier, mais d'un caractère aigre et taciturne. Il suivait la campagne avec impatience. Son cœur n'était pas là.
    Un jour, il reçut une lettre cachetée de noir. On lui annonçait la mort de sa femme. Benito fut atterré. Quoiqu'il lui fallût traverser l'Espagne entière pour aller embrasser son fils, ce qui était alors une entreprise difficile, il sollicita un congé. Il ne l'obtint pas; on se trouvait au plus fort de la guerre, et les officiers étaient rares.
    Benito ne murmura point, mais on put remarquer qu'il devenait de plus en plus sombre.
    Un matin, son ordonnance ne le voyant pas paraître à l'heure accoutumée, força la porte de sa chambre... elle était vide; Benito et trois officiers de son régiment avaient déserté pendant la nuit.
    Ces désertions collectives étaient alors fréquentes en Espagne. Dans une guerre civile de cette sorte, le soldat ne sait pas toujours au juste de quel côté est le drapeau. Avant la fin de la journée, les quatre déserteurs, perdus dans la montagne, étaient repris par les avant-postes et ramenés à Soria. Le soir même, le conseil de guerre s'assembla et les condamna à mort. L'exécution fut fixée au lendemain matin, et les condamnés furent immédiatement mis en chapelle. Mais, dans la même séance, le conseil, craignant la surexcitation que ne pouvait manquer de causer cette quadruple exécution dans la ville de Soria, maintenue déjà difficilement sous l'autorité de la reine, décida qu'un seul des officiers serait fusillé. Les autres furent destinés à un exil de cinq ans sur la côte d'Afrique.
    Les condamnés avaient été enfermés dans la chapelle d'un couvent attenant à la prison. Un prêtre était avec eux. Ils occupaient en méditations silencieuses les dernières heures de leur existence, ou dormaient, peut-être, lorsque, vers minuit, un bruit se fit entendre à la porte de la chapelle. Cette porte s'ouvrit, et un adjudant entra suivi de deux sergents.
    L'adjudant signifia aux condamnés la nouvelle décision du conseil, et leur annonça que, selon ses prescriptions, la voie du sort allait désigner lequel d'entre eux subirait la peine de mort.
    À ce moment, on vit un spectacle singulier. Ces hommes, qui avaient fait le sacrifice de leur vie et tout à l'heure seraient partis hauts et fermes pour la mort, se prirent à trembler, à pâlir. Leurs mains s'étreignaient, mais dans leurs yeux on pouvait lire l'anxiété, la terreur, et plus que cela, peut-être, un vague sentiment de haine naissante les uns contre les autres... Ces trois quarts d'existence qu'on leur rendait leur étaient plus difficile à supporter que la mort.
    Seul Benito demeura silencieux, ne prêtant qu'une attention détournée à ce qui se passait autour de lui.
    L'adjudant avait apporté trois dés et un cornet. Il désigna l'ordre dans lequel les condamnés seraient appelés, et la funèbre partie

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