Peines, tortures et supplices
la sourdine
Pour vous tirer d'embarras,
J'ai fait faire une machine
Qui met les têtes à bas.
C'est un coup que l'on reçoit
Avant qu'on s'en doute;
À peine on s'en aperçoit,
Car on n'y voit goutte.
Un certain ressort caché,
Tout à coup étant lâché,
Fait tomber, ber, ber,
Fait sauter, ter, ter,
Fait tomber,
Fait sauter,
Fait voler la tête:
C'est bien plus honnête.
«Les Actes des Apôtres et les autres publications du même genre ne se seraient pas livrées à de pareilles joyeusetés, si le docteur Guillotin avait été complètement étranger à l'invention ou à la mise en usage de l'instrument de supplice qui porte aujourd'hui son nom.
«Voici ce que nos recherches nous ont fait découvrir, ce que nous considérons comme l'expression de la vérité: Le docteur Guillotin n'est pas l'inventeur de la guillotine , mais c'est avec raison qu'on lui a appliqué son nom.
«En effet, membre de l'Assemblée constituante, dès le 28 novembre 89, nous le voyons monter à la tribune et développer tout un projet détaillé de législation pénale. Selon lui, la peine de mort devait être appliquée suivant un mode uniforme, quelle que fût, du reste, la condition des condamnés. La décapitation lui semblait le procédé à la fois le plus sûr, le plus rapide et le moins barbare.
«Son idée n'étant adoptée qu'en principe, il revint à la charge en 1791.
«Mais, dès novembre 89, selon un historien très-estimable, M. Augustin Challamel, il parla, comme étant de son invention , d'une machine propre à exécuter les hautes-œuvres.
«On lui prête même ces paroles:
«Avec ma machine, je vous fais sauter la tête d'un clin d'œil et vous ne souffrez point; on sent seulement une légère fraîcheur sur le cou.»
Sur la foi d'un témoin oculaire, M. Challamel dit aussi:
«Il était tellement enchanté de sa dernière découverte, qu'il portait dans sa poche de petites guillotines en miniature, et qu'il décapitait des poupées, par forme d'exemple, devant ses amis et connaissances.»
«Il m'a été affirmé qu'il en décapitait, non seulement devant ses amis et connaissances, mais encore à la tribune et jusque sur le bureau du président.
«À ceux qui me diront que je charge, je répondrai: relisez les couplets ci-dessus et vous verrez qu'ils ne font que corroborer sur bien des points ce que j'avance ici.
«Pour moi, il n'y a pas de doute: sans le docteur Guillotin, nous n'aurions pas eu la guillotine, aussitôt du moins. C'est donc à bon droit que son nom lui a été donné, je le répète; aussi lui est-il resté et il lui restera. Certes, Guillotin n'était pas un homme sanguinaire, ce n'était pas même un méchant homme; mais on me permettra de n'admirer que médiocrement une philanthropie qui met un instrument de supplice au service de l'humanité. Il est vrai que jusqu'alors en France, comme partout ailleurs, on avait torturé, roué, écartelé, brûlé, exercé tous les genres de mort possible, ce qui devait être peu agréable pour les patients. Le docteur Guillotin se sera dit: «Au lieu de tous ces barbares supplices, indignes d'un peuple civilisé, n'ayons qu'un genre de mort par la décollation pour tous les crimes; un simple couteau tombera sur le cou des coupables, et ce sera bien plus humain.»
«Et, dans le monstrueux, effectivement, c'est plus humain.
«Comme savant, Guillotin tenait bien sa place au milieu de ses confrères; comme député, un peu innocemment, il est vrai, dans les diverses assemblées, où il a eu l'honneur de siéger. On dit qu'il a concouru à la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme . Lors de la fermeture de la salle des États, c'est lui qui indiqua aux députés le Jeu de paume comme lieu de leur délibération. On sait le serment célèbre qui s'y prêta. C'est aussi lui qui présenta la pétition pour la création de la garde nationale , devenue, avec le temps, un des pouvoirs actifs de l'État. Enfin, c'est un des hommes remarquables de notre première révolution. Malgré cela, Guillotin, le savant, le républicain, le... révolutionnaire de 1789—je brave ici un préjugé populaire—n'est pas mort guillotiné: il est mort paisiblement dans son lit le 26 mai 1814.
«Disons maintenant pourquoi les savants Guillotin et Louis ne pouvaient pas être des inventeurs de la guillotine.
«Que dit, dans ses conclusions, le rapport de l'Académie de médecine présenté, le 7 mars 1792, à l'Assemblée législative: Que la mannaja
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