Petite histoire de l’Afrique
seulement l’Afrique a une histoire, mais que celle-ci, la plus longue de toutes, n’est ni moins variée ni moins prenante que les autres. Les chercheurs spécialisés pourront sans doute, de leur côté, reprocher à cet essai des généralisations abusives, voire des erreurs, inévitables sur une telle durée ; mais comment procéder autrement ? Il est hors de question, en quelque 200 pages, de raconter cette histoire par le menu. Cela serait aussi fastidieux qu’infaisable. L’enjeu est donc de n’omettre aucune phase de cette histoire, mais de le faire de façon thématique, en privilégiant systématiquement les idées qui m’apparaissent fondamentales, et parfois neuves. L’objectif est en somme d’aider à comprendre le présent : comment mesurer la situation actuelle à l’aune des différentes strates du passé cumulé, comment en tirer des hypothèses sur la situation d’aujourd’hui et, commetoujours quand on songe à l’Afrique et à ses problèmes actuels, quelles sont les perspectives d’action et d’avenir.
Tel est l’objet de ce petit livre, dont le premier chapitre aborde certaines questions clés, et notamment celle de savoir de quelle Afrique nous parlons, et pourquoi. Il aborde aussi les idées pièges à éviter et, bien entendu, la question des sources, qui permettent désormais d’avancer avec une relative assurance.
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Note de l’introduction
1 . C’est la raison pour laquelle certains pourront parfois y retrouver des idées ou des fragments disséminés sous une autre forme dans des articles ou ouvrages antérieurs.
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Méthodes et sources
P ourquoi l’« Afrique au sud du Sahara » ? D’abord parce que la dénomination « Afrique noire » est un héritage colonial qui implique de définir tous les habitants du subcontinent par leur aspect physique, leur couleur de peau, qui est loin d’être aussi uniforme que cet adjectif le laisse entendre. Cette simple remarque permet de relativiser le regard « eurocentré » lié à la couleur à propos du continent africain. Car être « noir » ou « beur » (« arabe » en verlan, c’est-à-dire d’ascendance maghrébine) ne se remarque que si la majorité des autres ne le sont pas. Le terme « noir » choque quand il est utilisé par une majorité (blanche) envers une minorité discriminée. Or, pour un Français qui va en Afrique au sud du Sahara, tous les Africains se ressemblent à première vue car la couleur saute aux yeux et efface le reste. Pour un Africain qui arrive en France, c’est exactement la même chose en sens inverse. La « condition noire », selon le titre de l’ouvrage de Pap Ndiaye (2008), pose question aux Français de couleur,dans l’Hexagone et plus encore dans les DOM (départements d’outre-mer), mais assurément pas en Afrique. Les Africains d’Afrique sont bien plus détendus que les African-Americans sur la « négritude », dont ils tirent au contraire une certaine fierté.
Il faut aussi éviter en histoire l’expression d’« Afrique précoloniale ». Elle préjuge et projette dans le passé un état et des processus qui sont advenus tard dans l’histoire du continent, et dont les Africains d’autrefois n’avaient pas la moindre idée. La quasi-totalité des régions africaines n’ont pas été, jusque très récemment , colonisées par des puissances extérieures au continent (hormis l’Égypte, conquise par les Grecs et colonisée par les Romains, et la côte orientale de l’Afrique, colonisée au XIX e siècle par le sultanat d’Oman puis de Zanzibar). Certaines d’entre elles, en revanche, furent colonisées par d’autres peuples africains (c’est également ce qui s’est passé sur les autres continents). Mais, dans leur immense majorité, ces régions sont restées indépendantes vis-à-vis des Européens jusqu’à la fin du XIX e siècle, y compris pendant la période de la traite atlantique (il y a cependant des exceptions, comme le port de Luanda, occupé continûment par les Portugais depuis le XVI e siècle). Enfin, l’indépendance (en 1956 au Soudan, en 1957 au Ghana, mais seulement en 1963 au Kenya ou en 1990 en Namibie) ne fut pas une nouveauté pour un petit nombre de vieux Africains nés avant la colonisation (étant entendu que le processus ainsi qualifié n’a pas grand-chose à voir avec les indépendances de jadis).
La construction européenne de l’Afrique
L’Afrique a la plus vieille histoire du monde et les
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