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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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Européens ne l’ont pas «  découverte  » : ce qu’ils ont découvert (plus tard que les autres), et ce dont ils ont construit l’idée, c’est « leur » Afrique. En revanche, l’histoire africaine liée au monde méditerranéo-asiatique musulman et à celui de l’océan Indien (dont l’essor intervint entre le V e et le XV e  siècle) leur est demeurée tardivement inconnue. Or elle fut très importante. Les Européens ne commencèrent à pénétrer le continent qu’en 1795, quand l’Écossais Mungo Park atteignit le fleuve Niger, alors que les Arabes du Maghreb l’avaient atteint dès le IX e  siècle, et que ceux d’Arabie étaient arrivés sur la côte orientale d’Afrique avant l’époque romaine.
    Mais ce sont les Européens, à l’occasion des Grandes Découvertes, qui ont fait de l’Afrique géographique un objet d’étude ; et la connaissance accumulée, puis peaufinée depuis la période allant du XVI e au XVIII e  siècle, fut transmise pratiquement inchangée jusqu’à il y a peu. Dans l’Antiquité, le monde méditerranéen ne connaissait pas l’Afrique comme continent : les espaces non ou mal connus au sud de l’Égypte ou du Maghreb étaient dénommés selon les cas Nubie, Éthiopie ou Libye. « Africa » apparut chez les Romains, mais pour ne désigner que l’arrière-pays immédiat de leur grande ennemie, la Carthage des Puniques (d’où le surnom donné à son vainqueur, Scipio Africanus). Quant à l’Afrique, son nom sera repris par les Arabes d’Afrique duNord sous le nom d’« Ifriqiya ». Mais ce n’est qu’avec la circumnavigation du continent par les Portugais, à la toute fin du XV e  siècle — lorsque fut franchi le cap des Tempêtes alors rebaptisé de Bonne-Espérance (1498) — qu’elle fut ainsi désignée. L’Afrique est née de la cartographie . À partir du XVI e  siècle, les écrits européens la décrivirent et la constituèrent de leur point de vue : marchands, missionnaires, explorateurs, voyageurs de toute sorte et trafiquants d’esclaves élaborèrent leur propre idée de l’Afrique. Le philosophe congolais Valentin Mudimbe en inventoria et en déconstruisit la fabrication dans deux ouvrages : The Invention , puis The Idea of Africa , dans les années 1980 1 , ouvrages non traduits en français à ce jour, contrairement au travail analogue d’Edward Said sur la construction européenne de l’orientalisme (1978), traduit dès 1980.
    Du racialisme au racisme
    Pourquoi l’histoire de l’Afrique est-elle aujourd’hui si méconnue, marginalisée, oubliée, et même rejetée ? À l’origine de ce mépris se trouve la traite dite, éloquemment, « négrière ». Or cette traite des esclaves noirs, qui s’intensifia au XVII e  siècle du côté européen, s’ajouta à des traites nettement plus anciennes — dirigées vers le monde méditerranéen ou l’océanIndien — animées par les Arabo-musulmans dès le IX e  siècle. La grande différence, c’est que jusqu’alors les esclaves, toujours des étrangers, avaient aussi été des Blancs (le mot esclave vient d’ailleurs de « slave » ou « Slavonie »). L’originalité de la traite atlantique fut de déterminer une fois pour toutes la couleur des esclaves : à partir du XVII e  siècle, et surtout au XVIII e , un esclave atlantique ne pouvait être que noir, et tout Noir était en somme destiné par nature à devenir esclave, au point que le mot nègre devint synonyme d’esclave. Ainsi, paradoxalement, la construction négative du continent se confirma durant le siècle des Lumières. On en connaît la cause profonde : l’eurocentrisme, qui a dominé la genèse des sciences depuis le début des Temps modernes, au XVIII e et plus encore au XIX e  siècle. Malheureusement pour l’Afrique, l’histoire et l’ethnologie prirent forme précisément à ce moment-là, au moment où la suprématie européenne s’affirmait violemment sur le reste du monde. Ce dernier en a pâti, car le point de vue de l’observateur s’est mué pour une longue, une trop longue période, en « vérité universelle ».
    Si les philosophes du XVIII e  siècle étaient hostiles à l’esclavage, leur attitude était plus ambiguë quand il était question des capacités mentales et intellectuelles des Noirs. Les théories ont varié. Ainsi, le tsar Pierre I er de Russie, grand admirateur des Lumières, voulut démontrer que l’intelligence était un don

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