Piège pour Catherine
bâillant à se décrocher la mâchoire.
La vue de sa maîtresse escaladant les marches, aussi nue que la main, lui fit ouvrir de grands yeux et lui arracha un hoquet de stupeur.
Mais, déjà, l'apparition insolite l'avait bousculé et, sans lui dire un mot, s'était engouffrée dans sa chambre, le laissant collé contre le mur, totalement privé de voix et déjà persuadé que cette étrange vision était le fruit d'une imagination surchauffée par le petit vin de Cahors dont on avait assez généreusement arrosé le souper.
Une voix joyeuse, qu'il reconnut avec un battement de cœur, arracha Bérenger à sa méditation.
— Hé ! l'ami ! Qu'est-ce que tu fais dans ton escalier, planté comme une souche ? On dirait que tu as vu le Diable ! Allez, viens donc nous donner un coup de main !
— J'arrive, Gauthier, j'arrive !
Et le page de Catherine, sans même savoir pourquoi il se battait et avec qui, mais uniquement conscient de faire plaisir à son ami l'étudiant, plongea de confiance dans la mêlée et se mit à taper à tour de bras sur tout ce qui lui tombait sous la main.
La lutte était si chaude que, peut-être, la maison de maître Renaudot ne s'en fût pas remise, si le chevalier du guet ne s'était décidé enfin à paraître avec ses hommes. L'effet fut magique. Dès que les casques des archers brillèrent à l'entrée de la rue, quelqu'un cria :
— Voilà le guet !
Et ce fut un sauve-qui-peut général, bouchers et étudiants s'égaillant comme une volée de moineaux.
Seuls quelques malheureux, qui avaient écopé d'un coup de bâton ou d'un coup de couteau, demeurèrent sur le dallage aux pieds de Renaudot éperdu.
Guillaume le Roux, qui avait pris un coup de tabouret sur la tête et gisait plié en deux contre un pilier de l'âtre, était de ceux-là, et aussi la femme Legoix que l'un des archers alla tirer sans douceur de sa huche à pain. Tous deux devaient être déférés sans tarder à Messire Jean de La Porte, lieutenant criminel du Châtelet.
En présence du chevalier du guet, qui était alors messire Jean de Harlay, Renaudot retrouva tout son aplomb. Il accusa formellement les deux prisonniers d'avoir envahi son auberge dans l'intention d'y mettre à mal l'une de ses clientes, à lui confiée par messire Tristan l'Hermite, Prévôt des maréchaux (que Dieu garde en santé ) afin d'assouvir une obscure vengeance qui n'était, en fait, qu'une rébellion caractérisée, puisqu'elle allait à l'encontre d'un jugement rendu par Monseigneur le Connétable et Maître Michel de Lallier (que Dieu nous veuille garder tous deux !). Déclaration qui faisait aussi grand honneur à l'excellence des oreilles de l'aubergiste qu'à son sens de la déduction.
Il n'avait, en effet, rien perdu de ce qui se passait dans sa salle, grâce à la bonne volonté du nommé Martin, lequel Martin n'avait aucune envie d'aller s'enfermer dans une chambre trop chaude avec une paire d'aubergistes, quand il se préparait, en bas, un spectacle de si haut goût... Se contentant de le garder à vue, il avait donc permis à son prisonnier de demeurer assis en haut des marches. La vue n'y était pas excellente, mais elle était possible. Quant à l'acoustique, elle était parfaite.
La magnanimité et la curiosité de Martin permirent donc à maître Renaudot un rapport très complet des événements, truffé de nombreuses invocations à la Sainte Vierge et à tous les saints avec lesquels le digne homme semblait entretenir des relations de courtoisie.
Ensuite, ayant flétri ses « lâches agresseurs », Renaudot entama les louanges des sauveurs de son auberge qui, d'après la description enthousiaste qu'il en fit, ne pouvaient qu'appartenir à quelque légion céleste spécialement dépêchée du Paradis par Monsieur saint Antoine, patron du quartier et de Renaudot lui-même.
Jean de Harlay, qui avait écouté sans rire le panégyrique de l'aubergiste, se contenta de lui faire remarquer qu'en fait d'anges il s'agissait tout uniment d'étudiants du collège de Navarre, ainsi que l'attestaient les deux ou trois malheureux restés sur le carreau et qu'il fit, sur l'heure, transporter à l'Hôtel-Dieu.
— Peut-être bien, messire ! consentit Renaudot qui tenait à son idée, mais ils étaient commandés par un garçon aux cheveux de flamme qui brillaient comme le soleil lui-même et qu'à sa vaillance j'ai reconnu pour être au moins un archange. D'ailleurs, il a totalement disparu, comme vous pouvez voir...
En
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