Piège pour Catherine
lentement à la hampe fixée au sommet du donjon. Elle était bleue, blanche, rouge et or et de quadruples armoiries s'y déployaient dans l'azur du ciel... Jacques Cœur tressaillit.
— La Reine !... La reine Yolande ! Regardez, Catherine, c'est elle qui arrive ! Ce sont ses trompettes que l'on entend.
Des créneaux, d'autres trompettes répondaient maintenant et, dans tous les clochers de la ville, les cloches s'ébranlaient pour souhaiter la bienvenue à la reine des Quatre Royaumes, suzeraine de ce duché de Touraine. Les acclamations enflèrent et Tours parut éclater en ovations frénétiques. Mais Catherine leva vers le château un regard brouillé par les larmes.
— Il est trop tard... Elle ne peut plus rien pour moi...
Jacques saisit Catherine par les bras et la remit
debout, presque de force.
Vous n'en savez rien. Vous êtes là à pleurer, à vous désespérer alors que personne ne vous a dit que vous étiez veuve. Que diable ! Ce n'est pas parce que le sire de Montsalvy n'est pas rentré chez lui qu'il est mort. Et quand bien même cela serait ? Ces lettres de rémission, il vous les faut, vous entendez ! Il vous les faut pour vos enfants, pour votre fils surtout ! Alors, ce soir même, vous allez m'accompagner au château. Je sais comment me rendre auprès de la Reine sans attirer l'attention...
— C'est inutile, Jacques. Laissez la Reine tranquille ! Rien ne presse tellement, maintenant, pourquoi voulez-vous que j'aille importuner Madame Yolande quand le Dauphin m'a promis son aide ?
Il a été bon pour moi et je ne veux pas le désobliger en paraissant faire fi de sa protection. Vous qui pensez à mon fils, ajouta-t-elle avec un pâle sourire, songez que ce jeune Louis sera un jour son roi et n'en faites pas dès à présent un ennemi de notre maison. Et puis, voici un mois que j'attends ici... je peux encore attendre jusqu'à après-demain...
— Non, Catherine, vous ne pouvez pas attendre. Demain il faut que vous partiez... pour la Bourgogne !
Il tendit la main vers Gauthier, prit la lettre d'Ermengarde que Catherine avait laissée glisser de ses genoux et que le jeune écuyer avait ramassée. Il la mit dans la main de son amie.
— Vous oubliez ce message, Catherine. Il a cependant son importance car, pour vous le délivrer, un homme a failli mourir !
Tout en parlant, il l'entraînait doucement vers la maison. Dame Rigoberte avait pris l'autre bras de la jeune femme comme si elle était quelque grande malade incapable de se soutenir. Avec mille précautions, ils la firent asseoir près de la cheminée, sur un banc bien garni de coussins. Et leurs soins se montraient si attentifs qu'ils frappèrent Catherine.
— Mon Dieu ! fit-elle, vous me traitez comme si j'étais tout à coup devenue très fragile. Et cependant, vous me dites que, dès demain, je dois aller en Bourgogne ? C'est bien cela ?... Je vous avoue que cela me paraît insensé. Que voulez-vous que j'aille faire en Bourgogne ?
— Lisez ! Si nous prenons tant de soin de vous, c'est parce que cette lettre, elle aussi, contient une mauvaise nouvelle.
Une mauvaise nouvelle ?... Ermengarde ! Mon Dieu ! Elle n'est pas...
Non, puisque c'est elle qui vous écrit ; il ne s'agit pas d'elle... mais de votre mère.
Rapidement, Catherine ouvrit le mince rouleau sur lequel du premier coup d'œil elle reconnut l'écriture extravagante de sa vieille amie et son orthographe plus que fantaisiste. En vraie grande dame, Ermengarde de Châteauvillain dédaignait les « délicatesses de gratte-papier ». Mais, en bon ou mauvais français, la comtesse disait des choses surprenantes. Catherine apprit ainsi que sa mère s'était brouillée avec son frère Mathieu. Le drapier dijonnais, se sentant vieillir, avait, tout à coup, découvert en lui la nostalgie du mariage, aidé d'ailleurs dans cette découverte par une certaine Amandine La Verne, marchande à la toilette, mieux pourvue d'appas que d'écus. «
Une grande gaupe sans religion », décrétait vertement Ermengarde, dont il avait fait sa maîtresse et qu'il avait amenée dans sa maison de la rue du Griffon. La cohabitation entre cette femme et Jaquette Legoix s'étant très vite révélée impossible, la mère de Catherine avait quitté une demeure où elle se sentait maintenant étrangère. Elle avait pensé, un instant, se réfugier au couvent des Bénédictines de Tart, dont sa fille aînée, Loyse, était prieure, mais elle se sentait peu de goût pour le cloître.
« Elle aurait
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