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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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que son regard glissait, empli de pitié, sur la femme qui sanglotait auprès de lui, presque prosternée dans la poussière.

    — Il faudrait un prêtre, murmura-t-il. Mais en reste- t-il seulement un seul dans ce pays de malheur ?
    — Il y a un moutier, pas loin d'ici, grogna le Damoiseau qui s'approchait. Mais avant qu'on ait pu en tirer l'un des rats tremblants qui s'y terrent, Montsalvy aura trépassé ! Tout ce qu'on peut faire, c'est le porter dans l'église. Il pourra au moins mourir sur les marches de l'autel... Holà ! Quatre hommes, un brancard, n'importe quoi !
    Mourir ! Trépassé ! Les mots comme autant de coups de couteau percèrent le néant de souffrance où Catherine s'ensevelissait. Elle réagit, relevant brusquement un visage qui n'était plus qu'un masque douloureux, s'accrochant à Gauthier qui essayait de la relever.
    — Je ne veux pas qu'il meure ! Je ne veux pas ! Ce n'est pas possible... Cela ne peut pas finir là, nous deux, dans la colère et dans l'horreur. Dieu ne peut pas me faire ça !... Il est à moi !... A moi toute seule ! J'ai usé ma vie pour lui, pour son amour. On n'a pas le droit...
    Sauve-le ! Je t'en supplie... sauve-le ! C'est moi qui suis en train de mourir.
    Gauthier, incrédule, la regardait. Jamais encore il n'avait vu désespoir aussi nu, aussi déchirant. Il savait bien peu de choses de la vie de ces deux êtres, sinon que cet homme qui agonisait là avait fait endurer à cette femme tout ce qu'il était possible d'endurer sur cette terre et, dans les dernières heures, plus encore que jamais.
    Pourtant, elle semblait avoir tout oublié : l'impitoyable mépris, les injures, la cruauté. Elle était là, à ses genoux à lui, Gauthier, convulsée de douleur et prête à blasphémer dans le paroxysme de son affolement. Était-ce donc cela l'amour, cette torture, cette folie, cette fièvre ?
    — Dame, murmura-t-il en se penchant vers elle, l'aimez-vous donc encore après... ce qu'il vous a fait ?
    Elle le regarda d'un air égaré, comme s'il parlait une langue inconnue.
    — L'aimer ?... Je ne sais pas... mais je sais que mon corps est brisé, que mon épaule brûlé... que ma tête est en enfer... qu'il n'est pas une fibre de moi qui ne saigne... Je sais que je meurs.
    Elle était livide et son souffle était si court que le jeune homme crut qu'en effet elle allait mourir là, à ses pieds, à la minute même où celui qu'elle aimait au-delà de toute raison, au-delà du possible, aurait cessé de vivre.

    Au moyen de deux longs écus, les soldats avaient improvisé une civière sur laquelle ils plaçaient le corps inerte. Déjà ils l'emportaient.
    Avec un cri de bête blessée, Catherine, oubliant de se relever, se traînant sur les genoux, voulut se lancer à sa suite.
    — Arnaud ! Attends-moi...
    Furieux tout à coup, Gauthier la prit sous les bras et la remit de force sur ses pieds, puis courut après Robert de Sarrebruck.
    — Ne le portez pas à l'église, dit-il. Mettez-le dans une maison, la meilleure possible... là où l'on pourra le soigner.
    Le Damoiseau haussa les sourcils :
    — Le soigner ? Tu divagues, l'ami. Il est mourant...
    — Je sais, mais je veux tout de même essayer de lutter jusqu'au bout... pour elle.
    — À quoi bon ? Il est déjà inconscient. Le soigner, c'est le torturer.
    Laissez-le au moins mourir en paix.
    — Mais il n'a pas mérité de mourir en paix, hurla Gauthier. Il a mérité de souffrir mille morts et il les souffrira s'il y a seulement une chance, une seule, de le rendre à cette pauvre femme.
    Le Damoiseau haussa les épaules, mais n'en ordonna pas moins à ses hommes de porter le blessé dans la maison où lui et Montsalvy avaient établi leur cantonnement. Il le fit de mauvaise grâce et il avait été sur le point de refuser, car il était de ces hommes qui ne voient aucune raison d'entraver le chemin de la mort. Soigner un homme aussi gravement blessé était du temps perdu et presque un péché, une offense au Ciel qui avait décidé que son heure était venue. Mais la femme arrogante de tout à l'heure s'était transformée sous ses yeux en une image pitoyable de la Vierge des Douleurs et son visage de suppliciée l'impressionnait... En outre, elle lui donnait une idée à laquelle il avait besoin de réfléchir.
    Quand on arriva dans la maison dont les deux chefs avaient fait leur logis et qui, naturellement, était la plus belle du pays, celle qu'avait occupée jadis un notaire ducal, Arnaud respirait

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