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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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manger ?
    Toujours pas de réponse de la part de l’enfant.
    — Je jure par le Seigneur Tout-Puissant et par tout ce que je tiens pour vrai qu’il ne te sera fait aucun mal. Nous sommes les envoyés de l’évêque de Gérone, et l’évêque ne permet pas à ses hommes de nuire aux enfants. Resteras-tu assez longtemps pour manger ?
    Il hocha la tête.
    — Dis-le. Tu peux parler ?
    — Je vais rester.
    La voix était rauque, hésitante, comme si l’enfant n’avait pas parlé depuis longtemps, mais Oliver jugea la réponse acceptable et le relâcha. Le garçon se saisit du morceau de poulet et se mit à manger comme un animal affamé.
    — Ce garçon n’a rien mangé depuis belle lurette, de toute évidence, déclara le sergent. Mais je me demande s’il est raisonnable de lui donner tant à la fois, Oliver. Tiens, mon gars, ajouta-t-il, bois du vin et reprends ton souffle, sinon tu seras malade.
    Il prit le cruchon que lui tendait le sergent et but un peu, puis il le reposa et contempla le reste de la nourriture.
    — Nous nous rendons de Gérone à Barcelone pour mettre cette canaille sur un bateau, dit le sergent d’un air dégagé en désignant Yusuf.
    Le petit vagabond chercha à se relever.
    — Non, non, calme-toi, mon garçon. Ce n’est pas un prisonnier. C’est le pupille de Sa Majesté, et il la rejoint pour passer quelques mois à ses côtés en tant que page. Ce n’est pas vrai, Yusuf ?
    — Ça l’est, messire, répondit Yusuf qui s’efforçait de mettre de la sincérité dans chacun de ses mots. J’y vais de ma propre volonté, je le jure. Et là, dans la prairie — j’ignore si tu l’as vue –, c’est ma jument. La baie aux membres bien déliés. Ils s’occuperont d’elle à Barcelone et, à mon retour, je la monterai pour regagner Gérone.
    — C’est vrai ? murmura le garçon en se tournant vers Oliver.
    — Oui. Je te le jure sur mon âme immortelle. Nous sommes d’innocents voyageurs. Et je crois que tu pourrais manger un peu plus.
    Il y eut un long silence, ponctué par les ronflements et les grognements de Narcís toujours assoupi, pendant lequel le garçon termina le poulet, le riz et le pain.
    — Je vous remercie beaucoup, señores, dit-il d’un ton étrangement solennel. J’avais très faim.
    — Mais je t’en prie, dit Oliver qui le dévisageait. Je m’appelle Oliver. Le sergent de la garde de Son Excellence a pour nom Domingo, le garçon s’appelle Yusuf, celui qui ronfle encore est Narcís et là-bas, les deux bons à rien sont Miquel et Gabriel. L’un d’eux devait veiller. De toute évidence, il ne t’a pas vu.
    — J’étais de l’autre côté du torrent, expliqua le garçon. Je pensais vous demander un morceau de pain, mais quand je vous ai vus si nombreux…
    — Oublions ça, fit le sergent. Maintenant que tu sais qui nous sommes, peut-on connaître ton nom ?
    — Certainement, messires, dit l’enfant après un bref instant de panique. Je m’appelle Gil.
    — Et tu parcours cette route avec le consentement de ton maître ? Non, ne te sauve pas.
    Oliver l’avait à nouveau saisi au poignet car il s’était une fois encore relevé brusquement.
    — Nous n’avons pas non plus pour tâche de retrouver les fuyards, à moins que Son Excellence ne le demande.
    — Ah bon ? fit Oliver, intéressé. Je ne la croyais pas capable d’utiliser ses hommes à de telles fins.
    — On ne me l’a jamais demandé, en tout cas, dit le sergent, très à l’aise. Et je ne reçois d’ordre de personne d’autre, mon garçon, pas même de ton maître. Mais pourquoi t’enfuir ? Tu dois savoir que tu fais une proie facile pour les voleurs et les malfaiteurs. Sans parler des marchands d’esclaves.
    — C’est justement pour ça que je me suis enfui, dit l’enfant dont les yeux se portaient alternativement sur Oliver Climent et sur le sergent. La cuisinière m’a dit qu’elle avait entendu ma maîtresse en parler avec un marchand d’esclaves.
    — Pourquoi aurait-elle agi ainsi ? demanda le sergent en l’examinant attentivement. Es-tu un esclave à vendre ?
    — Oh non, mais parfois je suis maladroit, dit-il en baissant les yeux. Je casse des choses. La dernière fois que j’ai brisé un objet, la maîtresse était si furieuse après moi qu’elle m’a battu et m’a enfermé dans la réserve pendant un jour et une nuit.
    — Ce n’est pas une raison pour te vendre, fit remarquer Domingo.
    — Oh si, dit Oliver.

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