Potion pour une veuve
entendu. Tu te croyais mon prisonnier ? Je voulais seulement savoir qui avait une petite main aussi habile. Et m’assurer que tu avais à manger.
— Dans ce cas, messires, je vous remercie pour le rafraîchissement. Vous m’avez empêché de mourir de faim, et je vous en suis reconnaissant. Maintenant, je dois reprendre la route.
Il prit un petit balluchon dissimulé sous les broussailles et se releva : il était plus grand qu’on ne l’aurait cru.
— Un moment, dit Oliver.
Il mit de la nourriture dans une serviette de lin qu’il noua aux quatre coins et la tendit à Gil.
— Ceci te sera utile, où que tu ailles. Mais attends, j’ai une idée. Nous nous rendons à Barcelone, comme je l’ai dit, et je te propose de te joindre à nous. Je peux te trouver un endroit en ville où tu feras des progrès et où tu ne craindras rien.
— Je ne peux pas retourner à Barcelone, dit Gil d’une voix perçante avant de partir en courant vers la route.
— Pourquoi l’avez-vous invité à se joindre à nous ? demanda le sergent. Je n’y vois pas d’objection, je suis curieux, tout simplement.
— C’est étrange, mais je préférerais ne pas le voir vendu en esclavage ou assassiné en chemin.
— C’est probablement le sort qui l’attend…
— Il n’a jamais appris à faire attention, dit Yusuf, qui semblait soucieux. C’était stupide de sa part de s’approcher si près de nous. Nous aurions pu être n’importe qui. Et quand il a essayé de se sauver, c’était déjà trop tard.
— Il mourait de faim, expliqua Oliver. Un cerf affamé vous mangera dans la main droite même si vous tenez un couteau dans la gauche.
Ils avaient à peine repris leur sieste qu’un cri strident les interrompit.
— C’est le garçon, dit Oliver, qui bondit, l’épée à la main, et s’élança à toute allure vers la route.
L’air résigné, le sergent se releva et le suivit.
Gil se trouvait à mi-pente de la colline, sur la route de Gérone. Deux hommes dont les chevaux attendaient au bord du chemin étaient agrippés à lui.
— Vous m’obligerez, messires, leur lança Oliver, en enlevant vos mains de mon valet d’écurie !
Son épée brilla au soleil et l’un des hommes le relâcha.
— Et toi, Gil, espèce d’imbécile, retourne auprès des chevaux ! Quant à vous, messire, laissez-le partir.
— Je vous suggère la même chose, ajouta le sergent qui, en bâillant, dessina dans la poussière de la pointe de son épée.
Quoique en chemise, ils formaient une paire assez menaçante.
— On savait pas qu’il était à vous, messire, dit le second homme en libérant Gil. On croyait que c’était un fugitif.
— Gil ? Certainement pas. Il a probablement vu quelque chose d’intéressant quand nous sommes passés par là il y a un certain temps. N’est-ce pas, mon gars ?
— Oui, messire, répondit l’enfant. Il y avait un cheval blanc dans la prairie, mais il est parti maintenant.
— C’est que c’est un animal intelligent, conclut Oliver. Il fait trop chaud pour être en plein soleil. Je vous souhaite la bonne journée, gentilshommes.
Un bras négligemment jeté sur l’épaule de Gil, il ramena l’enfant vers le taillis.
— Je me moque de savoir combien d’orphelins ou de fugitifs passent par ici, grogna le sergent. Je vais dormir. Narcís, dit-il en le poussant de sa botte, va relever Gabriel.
Dès qu’il vit le garde debout, il s’allongea, son paquetage sous la nuque, et s’endormit presque aussitôt.
— Moi aussi, je vais dormir, dit Oliver qui prit son sac et s’installa sous un gros arbre, un peu à l’écart. Mais dis donc, mon gars, viens ici un instant, je voudrais te parler.
Gil le regarda, mi-curieux mi-soupçonneux, et le suivit. Il s’assit à côté de lui, les genoux remontés jusqu’au menton et la tunique serrée autour des mollets.
— Je peux comprendre pourquoi tu ne veux pas revenir à Barcelone, dit Oliver.
— Je n’ai pas dit que je venais de là…
— Chut. Tu es né et tu as grandi dans cette ville, et ta situation était plus élevée que celle d’aide de cuisine. C’est dans ta voix. Mais puisque tu ne veux pas en parler, nous n’en parlerons pas. Je conviens que tu trouves imprudent d’y retourner. Tu sais mieux que moi pourquoi.
— Oui, messire.
— Mon nom est Oliver Climent. Pas messire. Et ce qui compte, en dehors du fait que je suis désireux de t’aider, c’est que j’ai une amie en qui
Weitere Kostenlose Bücher