Potion pour une veuve
Benedicta.
— Un étranger ? s’étonna le capitaine.
— Il s’appelle Martín. Ma fille et moi-même avons été appelés pour une blessure au bras qui s’infectait. Il nous a fait part d’un message pour son maître…
— A-t-il dit son nom, maître Isaac ?
— Il s’agit d’un certain Geraldo, capitaine. Il nous a priés de dire à son maître qu’il était blessé. J’ai déduit de ses propos incohérents qu’il s’était retrouvé seul face à un adversaire plus fort que lui.
— Avez-vous une raison particulière de nous relater cette intervention, maître Isaac ? demanda l’évêque.
— Non, Votre Excellence. Ce blessé parle comme un Castillan, c’est tout. Sa présence en ville est peut-être insignifiante.
— Ce Martín est-il en état de parler ? voulut savoir le capitaine.
— Je l’ignore. J’irai le voir dès que Son Excellence n’aura plus besoin de moi. Il n’avait pas recouvré ses esprits quand je l’ai quitté, mais vous êtes le bienvenu si vous souhaitez m’accompagner, capitaine. Il se sent peut-être un peu mieux.
— Pourquoi cette curiosité pour mon patient, capitaine ? demanda Isaac alors que les deux hommes, accompagnés de Raquel, du petit Judah ainsi que de deux gardes, se dirigeaient vers l’auberge.
— Je m’intéresse à tout étranger de passage. Jusqu’à ce que je sache pourquoi il est ici.
Un groupe de quatre buveurs s’inquiéta de leur intrusion. Raquel avait tiré son voile sur son visage, et la pénombre du bouge la faisait trébucher. Intimidé, Judah se serrait contre elle. Le capitaine traversa la salle comme s’il allait faire voler en éclats la cuisine et tapa fort du poing sur la table.
— Holà, mère Benedicta, cria-t-il, nous sommes venus voir ton patient !
La tenancière sortit de sa cuisine et secoua la tête.
— Il est pas trop en forme. Je lui ai monté à manger, mais il a rien voulu prendre. S’il doit mourir, j’aimerais mieux que ça aille plus vite. Je peux pas passer mon temps à grimper des marches et à veiller sur un malade.
— Il se trouve là-haut, dit Raquel en désignant un escalier raide et étroit.
— Vous deux, restez là jusqu’à ce que je vous appelle, dit le capitaine à ses hommes avant de s’élancer dans l’escalier.
La chaleur était étouffante dans cette soupente. L’homme gisait au milieu de la pièce, livide, misérable. Mais il parut reconnaître ceux qui lui avaient porté secours la nuit précédente.
— Vous l’avez prévenu ? fit-il d’une pauvre voix. Il est ici. Enfin… il y était.
— Si vous pouvez nous donner son nom – son nom complet –, le capitaine s’efforcera de le retrouver, dit rapidement Isaac.
— Il se fait appeler maître Geraldo, répondit-il avec une certaine innocence. Il ne parle pas de sa famille.
— Et d’où venez-vous, mon ami ? demanda le capitaine.
— De Tudela. Enfin, près de Tudela.
— Voilà une réponse honnête. Votre nom est Martín, n’est-ce pas ?
— Oui, capitaine.
— Je vais m’occuper de lui à présent, dit Raquel.
— Dès que vous aurez terminé, nous le transporterons en un lieu plus agréable, décida le capitaine. Je ne laisserais pas un chien malade aux bons soins de la mère Benedicta. Encore moins un homme, même s’il est originaire de Tudela. La chaleur seule a de quoi faire fuir la vie. Et puis, il a peut-être d’autres réponses à nous fournir.
CHAPITRE X
— Désirez-vous reprendre votre habit, monseigneur ? demanda Clara alors qu’Oliver l’aidait à monter à bord de la galée.
— Monseigneur ? Je m’appelle Oliver.
— Je ne connaissais pas votre rang, monseigneur, pour vous appeler ainsi.
— Vous êtes parfois assez irritante. Mais vous pouvez conserver ce froc. Je vous l’ai donné.
— Je n’en aurai plus besoin, monseigneur.
— Vous ne redeviendrez plus jamais Gil, Clara ? Je vous en prie, gardez-le pour l’instant. Je n’ai pas de place où le ranger. Pourquoi ne pas rejoindre Mundina dans votre cabine ? dit-il en désignant une structure surélevée sur le pont arrière. C’est la première à votre gauche. Je reviens dans un instant.
Il s’inclina et se fondit dans la foule.
Quand Oliver pénétra dans la minuscule cabine, ce fut pour découvrir une élégante jeune femme vêtue d’une robe droite de soie fauve. Ses cheveux courts étaient à demi dissimulés par un châle de la même étoffe habilement noué
Weitere Kostenlose Bücher