Potion pour une veuve
que c’est improbable.
— Ce sont des choses qui arrivent, fit remarquer Berenguer, plus fréquemment qu’on ne le croit.
— Je vais chercher à Barcelone. Si je n’y trouve rien, Votre Excellence me reverra très vite.
— Je me trouverai alors dans une situation délicate, car je prendrai plaisir à votre échec, dit Berenguer en riant. Je ne sais si je dois vous souhaiter de réussir ou pas.
Le mardi matin, Oliver engagea quatre jeunes greffiers provisoirement sans emploi pour qu’ils posent les mêmes questions aux notaires de Barcelone. Il s’attaquerait personnellement au problème Clara.
La maison de ses anciens employeurs se trouvait dans une rue paisible, non loin des limites de la ville. Elle n’avait rien d’un palais, mais était tout de même assez spacieuse ; une famille prospère, songea Oliver. La rue était déserte, à l’exception de quatre gamins qui jouaient à lancer des pierres à l’intérieur d’un cercle tracé dans la poussière.
— Qui habite cette maison ? leur demanda Oliver en examinant la façade massive et terne.
— Laquelle, señor ? répondit l’un des enfants.
Oliver la montra du doigt.
— La señora Vicent, dit le gosse. C’est une vraie sorcière. Elle est tout le temps en train de nous crier dessus et elle nous fait chasser par son serviteur. Mais on aime bien sa cuisinière.
— Je cherche Clara. On m’a dit que je la trouverais là.
— Partie, dit un autre enfant. La señora l’a vendue. C’est ce que tout le monde raconte. Tenez, demandez-le-lui, ajouta-t-il en ricanant. La voilà.
Il montra une robuste femme qui se hâtait dans la rue, suivie d’une servante portant un panier.
— Elle n’a pas l’air commode, dit Oliver en adressant un clin d’œil aux gamins. Je vais plutôt essayer la cuisinière.
Il leur jeta une pièce ou deux et se dirigea vers la cuisine.
Sa silhouette imposante se dessina dans le cadre de la porte. La cuisinière se retourna vivement, le visage écarlate.
— Qu’est-ce que vous voulez ? lui lança-t-elle.
— Clara, répondit Oliver en faisant un pas en avant pour que la lumière du soleil éclaire son visage. On m’a dit au couvent qu’elle était ici. Ta maîtresse est sortie, ajouta-t-il avec un sourire charmeur, alors je suis passé par ici. Je peux savoir ce qu’il y a dans ce pot-au-feu qui sent si bon ? dit-il en désignant la grosse marmite posée sur le feu.
— Ce qu’on y met d’ordinaire, si vous vous y connaissez.
Les mots s’échappaient de ses dents serrées.
— De l’épaule de mouton, des saucisses, de l’ail, des oignons et des herbes.
— Il n’y a pas que ça, affirma Oliver. C’est ce que tout le monde y met.
— Quelques épices, admit-elle. Du gingembre et autre chose…
Elle était seule dans cette grande cuisine, entourée de plats à divers stades de préparation. Tout en parlant, elle tournait la broche, puis la délaissait pour rectifier son pot-au-feu et remuer une sauce.
Oliver s’approcha de la broche qu’il fit tourner.
— Une cuisse de chevreau, dit-il, admiratif. Comment le prépares-tu ?
— Je commence par le frotter d’un mélange d’huile, de sel, d’épices et d’herbes. À sixte, je le mets en broche.
Comme Oliver tournait toujours, elle se dirigea vers la table et trancha des légumes verts.
— Si vous êtes vraiment venu pour Clara et pas seulement pour goûter à mon repas, vous arrivez trop tard. Elle est partie.
— Partie ? Je ne comprends pas. Où donc ?
— Elle s’est enfuie, c’est ce que dit la maîtresse. Moi, je n’en sais rien.
— Est-ce la raison pour laquelle tu es seule dans cette grande cuisine ? Dans une telle maison, on s’attendrait à ce que tu aies au moins deux ou trois aides.
— C’est bien ça le problème ! dit la cuisinière en reposant son couteau. Cette cuisse de chevreau que vous tournez est pour le dîner. Le maître en raffole. Ça ne me dérange pas parce qu’il me donne assez d’argent pour l’acheter.
Elle entreprit de hacher un gros tas d’herbes fraîchement cueillies.
— Le prix de la chèvre sur le marché ces jours-ci, c’est à peine croyable, mais il y met le prix, et il a ce qu’il veut. Tout le monde sait qu’elle ne dépense même pas ce qu’il lui donne. Je me demande en vue de quoi elle économise.
— J’ai déjà entendu dire ça…
— C’est un vrai pince-maille. Le pot-au-feu, c’est pour le souper et pour demain, parce
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