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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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mais pas le livre.
    L’homme et le garçon étaient assis sur le pont dans un endroit abrité, non loin de l’escalier.
    — Qu’y avait-il dans ce livre ? demanda le seigneur Pere en s’allongeant pour laisser le soleil caresser son visage.
    — Des contes… des récits de chevalerie dans des contrées lointaines, des histoires d’amour et de magie. Je tenais un journal sur les pages vierges.
    — Et de quoi y parles-tu ?
    — De mes patients, de leur traitement, de leur issue. Ainsi que du temps et des événements survenus pendant la traversée.
    — Relates-tu ce que tu as entendu sous la tente de Sa Majesté ?
    — Certainement pas. Il a exigé qu’aucun mot prononcé en ce lieu ne soit répété.
    — Même dans une autre langue ?
    — Nombreux sont ceux qui sont plus aptes que moi à la lire.
    — Et les propos des marins ?
    — Parfois, quand ils me parlent de bateaux, dit Yusuf, mais ce n’est pas toujours facile à rapporter fidèlement. Tout le reste demeure dans ma tête. Je ne vois pas pourquoi on aurait dérobé mon livre. Si je l’ai mal rangé, peut-être est-il passé par-dessus bord.
    — Certainement pas, si l’encre et la plume sont encore là, fit remarquer le seigneur Pere. Chacun croit que Sa Majesté t’a placé ici pour nous espionner. Celui qui t’a pris ton livre te le rendra quand il saura ce qu’il contient, ajouta-t-il en bâillant.
    — Pensez-vous que je sois un espion ? demanda Yusuf.
    — Ne le sommes-nous tous pas peu ou prou ? Ah, je me sens plus robuste de jour en jour, je pourrais marcher jusqu’au rivage !

CHAPITRE XVI
    Le samedi 23 août au matin, sous un soleil éclatant, la galée pénétra dans le port de Valence. Comme l’avait prédit le seigneur Pere Boyll, le livre de Yusuf était réapparu la veille, négligemment posé sous un aviron en réparation. Ainsi qu’il l’avait également annoncé, il put mettre le pied sur la terre ferme comme s’il n’avait jamais été malade, bien que son visage trahît un état qui fit regretter à Yusuf qu’il ne lui eût pas demandé d’aide.
    Le débarquement des autres passagers fut à la fois long et délicat. Don Gueralt de Robau allait de l’un à l’autre, aidant par ici, plaisantant par là.
    — Séjournerez-vous longtemps à Valence, Yusuf ? demanda-t-il alors que les marins descendaient le dernier malade.
    — Non, señor, je reviens dès que possible à Barcelone. Et vous ?
    — Je repars avec la flotte. En attendant, je resterai ici. J’accueillerai avec plaisir ce changement. Mais il est temps pour nous de quitter ce navire. Prenez soin de vous.
     
    — Tu viens avec moi, Yusuf, dit le seigneur Pere qui l’attendait avec des palefreniers et deux chevaux. Et je dois veiller à ce que tu prennes la première galée en partance pour Barcelone.
    — Où allons-nous ? demanda Yusuf alors qu’ils empruntaient des rues ombragées.
    — Au palais. Nous devons y présenter notre rapport.
    — Je ne suis pas certain d’avoir quelque chose d’intéressant à raconter.
    — Il faut tout mentionner, lui dit son guide.
    Ils chevauchèrent en silence jusqu’aux marches du palais.
    — Nous allons entrer dans la grande salle, dit Pere Boyll. T’en souviens-tu ?
    — Non, répondit Yusuf.
    Mais quand les portes s’ouvrirent devant lui, il se figea.
    — Je ne puis entrer dans ce palais, dit-il, très pâle.
    — Mais si, fit le seigneur en l’empoignant par les épaules et en le poussant à l’intérieur. Regarde. Ce n’est qu’une pièce spacieuse. Que vois-tu ?
    — On l’a transformée. Elle était plus vaste auparavant.
    — Elle n’a pas changé, Yusuf, c’est toi qui as grandi.
    Il regarda l’extrémité de la salle, les larges fenêtres que les rayons du soleil estival traversaient en dansant. Ses yeux suivirent leur chemin jusqu’au carrelage. Il était recouvert d’une grande mare rouge vif ; l’odeur nauséabonde du sang et de la mort envahit ses narines.
    — Il est toujours là, seigneur Pere, murmura-t-il, le sang est toujours là…
    Et les ténèbres s’abattirent sur lui.
    Quand il rouvrit les yeux, une paire de mains puissantes le soutenait.
    — Il n’y a rien sur le sol, dit le seigneur Pere. Les carreaux sont depuis longtemps nettoyés du sang de ton père. Regarde-les.
    Il obéit. Les carreaux blancs et bleus étincelaient de propreté ; une brise d’été aux parfums de fleurs traversait la haute salle.
    — Il n’y est

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