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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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dossier.
    — Je vois. Merci. » Cela rendait l’affaire d’autant plus délicate. J’esquissai un sourire. « On a aussi prétendu hier soir que le roi est en quête d’une nouvelle épouse et qu’il aurait jeté son dévolu sur lady Latimer.
    — C’est la vérité, ça aussi, d’après ce qu’on m’a dit. Mais il éprouve certaines difficultés, cette fois, car la dame ne veut pas de lui.
    — Elle l’a éconduit ? fis-je, stupéfait.
    — À ce qu’on raconte. On ne peut guère le lui reprocher. Le roi a aujourd’hui des ulcères aux deux jambes et la moitié du temps on doit le déplacer dans Whitehall en chariot. Il paraît qu’il grossit à vue d’œil et que son mauvais caractère empire de mois en mois. Je n’ai parlé de ça à personne, entre parenthèses, ni de la guerre contre la France. Mais ce timbré d’Adam Kite ferait peut-être mieux de rester à Bedlam. Et vous aussi plutôt que de retomber entre les griffes du Conseil privé !
    — Je n’agis qu’en capacité d’avocat, soupirai-je.
    — La loi n’est plus un rempart si ces gens se mêlent de cette affaire. Vous le savez bien. » Je voyais que Barak éprouvait la même inquiétude que moi à l’idée d’être à nouveau en contact avec certains des puissants ennemis que nous nous étions faits par le passé. Le duc de Norfolk et Richard Rich siégeaient tous les deux au Conseil privé.
    — Quelle malchance qu’on m’ait choisi plutôt que Herriott pour traiter ce dossier ! dis-je. Mais puisque je ne peux pas faire autrement, il ne me reste plus qu’à agir avec prudence. Je prends les documents concernant l’audience de cet après-midi. Envoie-moi les Kite dès qu’ils arriveront. »
    Je passai dans mon bureau particulier et fermai la porte. Les propos de Barak m’avaient troublé. Je me dirigeai vers la fenêtre à meneaux. La pluie redoublait, cinglant la vitre et déformant ma vue de Gatehouse Court. Je frissonnai, le crépitement de la pluie battante me rappelant toujours la terrible nuit où, pour la première et dernière fois, il y avait dix-huit mois, j’avais tué un homme. Il s’agissait de légitime défense, certes, mais les affreuses suffocations d’un être qui se noie me hantaient encore. Je poussai un profond soupir, me souvenant avec tristesse de ma bonne humeur de la veille. Avais-je tenté le sort cruel en constatant que je me sentais heureux ?
    L’asile de Bedlam… À Londres, le nom seul suscitait la peur et le dégoût. Bethléem – devenu Bedlam – avait longtemps été le seul hôpital londonien où l’on traitait les déments et, même si l’on voyait communément des fous mendier dans la rue et si beaucoup avaient des connaissances ou des parents souffrant de maladies mentales, onévitait les aliénés. Car non seulement ils étaient craints pour être dangereux, voire possédés du diable, mais encore ils rappelaient à tous que personne n’est à l’abri de la folie, qui peut prendre diverses et horribles formes. Voilà pourquoi Roger redoutait tant le mal caduc, les manifestations de cette maladie constituant un terrible spectacle. Je savais que Bedlam n’abritait que des fous à lier, certains d’entre eux appartenant à de riches familles, d’autres étant entretenus par des associations charitables. Il arrivait aussi que certains, tel Adam Kite, soient relégués là parce que leurs agissements gênaient le pouvoir en place. Je n’en savais guère plus sur ce lieu.
    Peu après on frappa à la porte et Barak fit entrer un couple entre deux âges. À mon grand étonnement, une troisième personne les accompagnait, un clerc en longue soutane. Grand et svelte, il avait des sourcils broussailleux, une chevelure fournie gris fer et un visage rougeaud et hargneux. Portant d’austères habits noirs, les parents d’Adam semblaient tous deux extrêmement abattus et la femme paraissait au bord des larmes. Petite et mince, elle avait l’air d’un oiseau, tandis que son mari, de haute taille, avait un visage taillé à la serpe. Il inclina le buste et la femme me fit une profonde révérence. L’ecclésiastique me jaugea sans ciller, pas le moins du monde intimidé de se trouver à Lincoln’s Inn, dans le bureau plein d’ouvrages de droit d’un avocat vêtu de sa robe.
    « Je suis le sergent royal Shardlake et vous devez être maître et mame Kite », dis-je, concentrant mon attention sur le couple, qui semblait nerveux, afin de le mettre à l’aise. Ma

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