Qui étaient nos ancêtres ?
les années 60, pour voir se répandre les salles d’eau.
Hygiène au quotidien : « Ça sent la vie ! »
En ce qui concerne l’hygiène, le constat est donc évidemment négatif à tous les niveaux.
Les vêtements, changés à tout le mieux le dimanche, sont souvent en contact direct avec les animaux, lorsque ceux qui les portent ne couchent pas carrément à l’étable ou à l’écurie, comme c’est fréquemment le cas. Tous sont donc fortement imprégnés d’odeurs bestiales, qui s’ajoutent à celles des corps, toilettés plus rarement encore.
Rien n’est désinfecté, pas plus le crochet de la sage-femme que l’eau, puisée au puits voisin du tas de fumier, dans laquelle on trempera le bébé, et cela d’autant plus que l’on estime que la crasse ou la saleté de ses langes lui fourniront ensuite la protection la plus efficace…
Le fait de marcher pieds nus, tant dans la cour qu’à l’étable ou qu’à l’intérieur, n’est pas toujours du meilleur résultat. À l’intérieur, en effet, on a vu que le sol de terre battue, éventuellement jonché de paille, se voit constamment souillé d’excréments et d’urines, animales ou enfantines. Rarement lavé, il dégage évidemment une odeur âcre et fétide.
Nos ancêtres sont donc sans cesse appelés à fabriquer des anticorps. Ajoutons à cela que dans l’évier, étant à l’origine creusé dans une simple pierre plate et muni d’une évacuation qui n’apparaît que tardivement, on ne fait guère la vaisselle, assiettes ou écuelles étant rangées dans le tiroir de table, dans le buffet lorsqu’on en a un, ou sur le rebord de la cheminée, pour être réutilisées au prochain repas. Un grand progrès sera obtenu, au début du XIX e , chez certaines familles vivant en communauté, qui se doteront de grandes tables agrémentées de sortes de cavités destinées à recevoir directement les portions de nourriture, cavités reliées entre elles par de petites rigoles permettant de les nettoyer « à grande eau ».
Mais le pire, sans nul doute, est l’hygiène du linge. Les chemises infestées de poux, de puces et de vermine, et plus encore les paillasses, ces matelas misérables sur lesquels on couche à plusieurs, régulièrement souillées d’immondices et de déjections par les enfants et les malades, et à ce point pourries qu’en ce monde où l’on ne jetait rien, l’inventaire des biens d’une pauvre Lorraine précisera que sa paillasse de fleurs de chardon sera jetée sur le fumier avec les autres loques lui tenant lieu de vêtements.
Ajoutons à cela que les fenêtres ne sont pratiquement jamais ouvertes, que l’atmosphère est horriblement enfumée du fait que les cheminées, contrairement à ce que l’on imagine, tirent presque toujours très mal, que de ce fait, la porte est souvent ouverte à tout instant et en toute saison, que la chaleur, en été, empêche de conserver les aliments, et que le froid, en hiver, gèle l’eau des cruches et parfois même le vin en bouteille : il n’est plus nécessaire d’insister sur les risques de contagion et de propagation des maladies. Le malade, sur son lit, respire un air putride et vit dans une atmosphère totalement viciée. Les grands eux-mêmes n’ont pas à être enviés : Saint-Simon ne rapporte-t-il pas que « les jours de barbe », c’est le bassin dans lequel il vient de se soulager qui va être présenté au duc de Vendôme pour lui faire la barbe ?
Avouons-le enfin : qui pourrait, aujourd’hui, pousser l’huis de la maison de ses ancêtres ne serait accueilli ni par une « fraîcheur lavande » ni par un parfum de fruits exotiques. L’univers de nos ancêtres est un univers sans enzymes, mégaperles ni vizirettes… Un univers rempli de l’odeur des prés et des fraises des bois, peut-être, mais aussi de celle du tas de fumier. Un de mes grands-oncles, artiste et écologiste avant l’heure, ne s’écriait-il pas, débarquant de Paris dans le Morvan : « Ça sent bon le fumier ! Quand ça sent le fumier, ça sent la vache ! Quand ça sent la vache, ça sent le lait ! Et quand ça sent le lait, ça sent la vie ! »
Ça sent la vie, oui !
Si une chose est sûre, c’est bien cela !
Le monde de nos ancêtres était manichéen, rude, fruste, cru, sombre, violent ? Qu’importe, d’une façon ou d’une autre, de mille façons, il sentait la vie.
Une chose est donc certaine : nous serions incapables de vivre dans ce monde, tant
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