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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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déclarations étaient contradictoires. En tout état de cause, la pauvre était bien amochée. Stumm a déclaré que c’était son souteneur qui l’avait arrangée de la sorte.
    — Dans ces conditions, pourquoi l’avez-vous mis aux arrêts ?
    — Parce qu’il avait roué de coups le souteneur. Là, nous avions des témoins. Il ne pouvait pas s’en tirer avec des bobards. Stumm donne l’impression d’être froid comme la glace, mais…
    Spaur marqua de nouveau une pause.
    — … sous la couche de glace, ça bouillonne.
    Tron désigna l’enveloppe posée près de son assiette.
    — D’où vient cette lettre ?
    — Du bureau du commandant de place. Stumm a envoyé à la Kommandantur un de ses codétenus relâché ce matin. Une heure plus tard, un sous-lieutenant a débarqué au commissariat en compagnie de deux sergents et l’a emmené.
    — Que va-t-il se passer à présent ?
    — La police militaire va ouvrir une instruction, dit Spaur. Vraisemblablement va-t-on enquêter à votre sujet.
    — Pour quelle raison ?
    Le commandant de police énuméra les chefs d’accusation comme un maître d’hôtel les plats de sa carte.
    — Blessure corporelle en service. Abus de pouvoir des autorités civiles. Complot contre les forces armées de Sa Majesté. Atteinte à la liberté individuelle. Protection d’activités subversives.
    — Dans ce cas, il faudra aussi qu’on m’explique ce que le colonel faisait au Quadri en civil et sans papiers.
    — On ne va rien devoir vous expliquer du tout ! répliqua le commandant. L’armée n’a pas à s’expliquer.
    — Cet homme est coupable d’une tentative d’homicide en état d’ivresse. Sous le portrait de l’empereur en plus. Et il a menacé un fonctionnaire de Sa Majesté. Nous étions obligés de le mettre en garde à vue.
    Spaur leva les yeux vers le plafond.
    — Ce dernier coup de pied sur le nez, alors que le suspect était déjà à terre, pensez-vous qu’il fût vraiment nécessaire ?
    Le commandant comprendrait-il que ce coup de pied résultait de considérations esthétiques ? Non, c’était peu probable. Tron dit, par conséquent :
    — Le suspect a tenté de sortir son couteau. Il s’agit de légitime défense.
    Son supérieur soupira.
    — Vous avez conscience qu’on va voir dans cette affaire un geste politique, n’est-ce pas ?
    — Tout le monde sait bien que je me moque de la politique.
    — À Venise, peut-être. Mais au bureau responsable des distinctions à Vienne, j’en doute.
    — Qu’est-ce que notre distinction a à voir avec cet incident ?
    Spaur leva de nouveau les yeux vers le plafond.
    — Pour cette distinction, on évalue aussi l’engagement politique des autorités de police. Et le commandant de place, poursuivit-il, voit d’un très mauvais œil mon crédit actuel.
    — Que peut-il entreprendre ?
    — Influencer l’enquête menée contre vous et envoyer un rapport négatif à Vienne. Affirmer que vous avez molesté un officier de l’armée impériale, en public, dans l’enceinte du commissariat, sous un portrait de Sa Majesté !
    — Ce serait fâcheux, convint Tron.
    — Et comment ! renchérit son chef. C’est pourquoi il ne doit rien arriver d’ici la fin du mois. Sinon, adieu ma médaille !
    Spaur pinça les lèvres.
    — Et cela ne plairait pas du tout à la baronne.

8
    Zuanne Nono ne supportait pas les officiers de l’armée autrichienne. Ils vomissaient sur le velours de sa gondole et, ensuite, refusaient de le dédommager. Depuis le temps, il les reconnaissait même en civil, du fait qu’ils ne pouvaient pas s’empêcher de lui parler sur un ton impérieux – comme s’ils avaient affaire à un satané Croate ou à un Slovène, et non à un Vénitien. L’aimable cavalier au visage recouvert d’une bautta , qui avait embarqué devant la locanda Zanetto en compagnie d’une dame, ne pouvait pas être un militaire. Son italien possédait certes une coloration particulière, il s’agissait indubitablement d’un étranger. Mais Zuanne Nono n’avait rien contre les étrangers. Dans son métier, on ne pouvait pas se permettre d’avoir des préjugés.
    Dès le départ de la gondole, le cavalier avait refermé avec soin le rideau noir du felze , ce qui signifiait qu’une aventure galante figurait au programme. Cela ne le dérangeait pas, tant qu’on ne salissait pas le velours de sa banquette. Or malgré son loup noir et son ridicule tricorne en carton, l’étranger

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