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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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à moitié. Et la donna 4 ne s’était pas fait prier non plus. Zuanne Nono ne put s’empêcher de se demander comment ils s’y étaient pris. Les soupirs et les gémissements étaient assurément ceux de la femme. Les halètements sourds, en revanche, semblaient provenir du cavalier. L’avait-il attachée et bâillonnée avant d’apaiser sur elle ses ardeurs ? Le gondolier sourit. L’astuce des liens était intéressante. Il savait que certains hommes aimaient les jeux de ce genre. Et se livrer à ce sinistre numéro dans une gondole ne manquait pas de sel. Une gondole n’évoquait-elle pas un cercueil noir et brillant ? N’était-il pas logique que son balancement, les à-coups de la rame éveillent non seulement le désir, mais qu’ils donnent aussi des ailes à l’imagination d’un homme ? À la partie sombre de son imagination.
    Pourtant, l’étranger n’avait pas l’air d’un homme doué d’une grande imagination. À quoi ressemblait-il, d’ailleurs ? Au fond, il avait à peine prononcé quelques mots. Et il n’avait pas non plus ôté son loup, ce qui n’était guère surprenant après des ébats pareils. D’un autre côté, Venise était connue pour sa tolérance. Et Zuanne Nono avait pour devise : « À chaque bébête son petit plaisir. » Du moins tant que la femme marchait dans la combine et que lui-même n’en était pas pour ses frais.
    Or, sur ce point, Zuanne Nono n’avait pas à se plaindre. Le pourboire que le cavalier lui avait glissé en quittant la gondole devant le Rialto était certes moite et collant, mais plus que généreux. Trois lires en or ! Avec, en prime, quelques notes du Requiem de Mozart sifflotées sur un ton guilleret. Quel homme cultivé ! Il n’allait quand même pas se plaindre parce que les pièces étaient humides.
    Le cavalier s’était vraisemblablement accordé une gorgée de remontant juste avant de sortir et il avait dû en renverser. Beaucoup de dames portaient sur elles de petites bouteilles d’alcool pour requinquer les clients fatigués. Lui-même avait déjà songé à interdire cette pratique dans son embarcation et à proposer quelques rafraîchissements appropriés, deux ou trois liqueurs ainsi que du champagne, pas grand-chose, mais des produits de qualité, bien entendu à un prix adéquat. En l’occurrence, il supposait qu’il s’agissait d’un kirsch quelconque car le liquide avait des reflets rougeâtres, cependant il n’était pas allé jusqu’à se lécher les doigts. Il les avait juste essuyés sur son pantalon noir. Sa femme devait de toute façon le laver.
    Avant de s’éloigner, le cavalier avait refermé le rideau du felze avec soin et lui avait ordonné de ne déranger sa compagne sous aucun prétexte, un geste de grande courtoisie envers une dame sans doute encore à demi dévêtue. Jusqu’à maintenant, elle n’avait toujours pas bronché. Zuanne Nono supposait qu’elle refaisait son maquillage afin de poursuivre sans tarder ses activités dans un des nombreux cafés de la place Saint-Marc. Le racolage était certes interdit, mais, durant le carnaval, la police fermait les yeux. D’autant qu’en cette période de l’année la plupart des femmes paraissaient prêtes à tout en échange de quelques lires.
    Arrivé devant le môle, il sauta sur le quai et amarra sa gondole. Il s’approcha du felze pour aider la dame à s’en extirper et, par la même occasion, jeter un deuxième coup d’œil dans son décolleté. En même temps, il était curieux de voir si elle avait réussi à remettre de l’ordre dans sa tenue, qui devait avoir un peu souffert d’une croisière aussi agitée. Il supposait qu’elle devait être à nouveau impeccable.
    Faute de bois sur lequel frapper, il se racla discrètement la gorge et s’écria :
    —  Siamo arrivati, signorina 5 .
    C’était à vrai dire superflu puisqu’elle avait bien dû se rendre compte elle-même que la gondole ne bougeait plus. Pourtant, elle ne répondit pas. De toute évidence, elle était encore occupée à se pomponner et ne l’avait pas entendu. Zuanne Nono s’éclaircit la gorge une seconde fois et répéta un peu plus fort :
    —  Siamo arrivati, signorina !
    Il n’obtint toujours aucune réponse, ce qui laissait à penser que la belle s’était endormie. Il ne lui restait donc plus qu’à ouvrir le rideau, redire sa phrase et, si nécessaire, réveiller la dame en la secouant. En la touchant ! Quelle perspective excitante ! Il en

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