Retour à l'Ouest
absolument rien de
révolutionnaire en lui) qui fait qu’au milieu des agitations, des émeutes, des
risques, en prison même (sa prison fut douce à en devenir dérisoire), le chef
du parti nazi s’arrangera toujours pour être du côté des autorités. Le pouvoir,
il ne le prendra pas : il le recevra des mains du vieux président
Hindenburg, presque sourd et nettement diminué dans ses facultés, manœuvré
lui-même par les intrigues compliquées de son entourage. La Reichswehr, les
financiers, le patronat cherchent l’homme d’un pouvoir fort pour sauver un
système en désagrégation.
Ils le trouvent en Adolf Hitler, parce que les héritiers
naturels du capitalisme allemand font défaut. Le prolétariat est divisé et
fatigué. N’oublions pas qu’il a été saigné par quatre années de guerre et qu’ensuite
il a perdu, dans les luttes de la révolution avortée de 1918-1920, plus de 15 000
travailleurs d’entre les plus énergiques, avec des intelligences et des caractères
comme Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. La social-démocratie, dépassée par les
circonstances, n’a su ni seconder la révolution quand il l’eût fallu ni user du
pouvoir pour fonder, au sein de la démocratie de Weimar, une puissance ouvrière.
Elle a vécu dans la crainte des complications internationales. Les communistes,
dirigés de l’extérieur par l’Internationale stalinienne, poursuivent une
politique criminelle qui consiste à dénoncer la social-démocratie comme l’ennemi
numéro 1 et à faire bloc, contre elle, à des heures décisives, avec les nazis. Aux
classes moyennes appauvries et désespérées, la révolution russe n’offre enfin, grâce
au système bureaucratique qui s’installe en URSS, que les images de la disette,
de la famine et de la terreur. Dans ce désarroi total, un parti de déclassés, financé
par le gros patronat et guidé par « un puissant faux prophète », devient
la troupe de choc d’une contre-révolution, à laquelle le sentiment national
lésé offre une assise psychologique. Toute la nullité de la vieille Allemagne
impériale semble s’incarner dans le maréchal octogénaire qui sait à peine déchiffrer
ses propres notes pour congédier ou désigner un chancelier. Tout le désarroi d’un
crépuscule de civilisation s’incarne en l’Agitateur possédé qui songe au
suicide parce qu’à la veille de recevoir le pouvoir son parti côtoie la
faillite et, parvenu à la puissance, ne trouve d’autre solution à la crise
morale de son parti que le massacre de ses compagnons d’armes… Le III e Reich a pu se donner une redoutable armée ; il n’en demeure pas moins un
des régimes les plus malades qu’il y ait au monde.
URSS il y a vingt ans *
6-7 novembre 1937
La date du 7 novembre reste et restera pour nous une très
grande date, l’une des plus décisives de l’histoire contemporaine. L’éclat
paraît s’en atténuer, aujourd’hui qu’un présent noir déroute les esprits et
parfois leur impose de hâtives révisions de jugements. Cela passera. L’aspect
des grands événements se modifie dans la mémoire des hommes, avec les hauts et
les bas du devenir social. La restauration honnit pendant plus de trente ans le
souvenir de 1789 ; les républiques le relèvent ; la révolution russe
rénove enfin, à travers l’enseignement d’un Albert Mathiez, l’histoire de la
révolution française. Pour que l’histoire du 7 novembre 1917, jour où les
travailleurs de Russie prirent le pouvoir et fondèrent la première république
des ouvriers et des paysans, pour que cette histoire soit refaite à neuf, avec
amour de la vérité, conscience de la grandeur des choses et des hommes, souci
de servir l’avenir, il faut que survienne, en Russie même ou ailleurs, un grand
réveil des masses socialistes, qu’il soit victorieux, – que nous laissions en
un mot, derrière nous, les temps noirs. Tout le passé nous est garant d’un tel
futur ; des phases de progrès succèdent aux époques de réaction et le
rythme même de ces alternances, lié à la succession des générations, nous
permet de beaucoup espérer d’un avenir proche. Il est, par exemple, certain que
la classe ouvrière de l’URSS, même épuisée une première fois par quatre années
de guerre civile faisant suite à trois années de guerre impérialiste, épuisée
une deuxième fois par l’immense effort qu’elle dut fournir pour exécuter, dans
les conditions les plus ingrates, les plans
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