Retour à l'Ouest
divisions. Franco comptait, avec cette troupe de choc, enfoncer d’autant
plus facilement le front républicain, que ce front n’était guère défendu dans
la région où se préparait l’attaque. Un officier russe auquel j’emprunte ces
détails, décrit sans illusions ces forces fascistes. On avait recruté à la hâte,
en Italie, des volontaires parmi des chômeurs et les ouvriers agricoles voués à
la misère ; sans dédaigner d’enrôler des figurants rassemblés pour tourner
un grand film impérial :
Scipion l’Africain
…
ces volontaires malgré eux avaient de 18 à 45 ans. Des officiers de réserve les
commandaient, sous les ordres de quelques officiers d’état-major.
L’offensive commença le 8 mars, sur un haut plateau de près
de 1 000 mètres d’altitude. Les deux divisions italiennes disposaient de
petits chars d’assaut Ansaldo, d’artillerie motorisée et d’un grand nombre d’automobiles.
Les milices républicaines, fort peu nombreuses, reculèrent sans presque
résister. La progression des Italiens fut cependant d’une extrême lenteur :
ils n’avancèrent que de vingt kilomètres en 36 heures. En quatre jours, on vit
deux divisions motorisées n’avancer que de 40 kilomètres, bien qu’elles n’eussent
presque pas à se battre. Le 11, il se mit à pleuvoir, la chaussée devint
promptement impraticable sous les roues et les chenilles d’un millier de
tracteurs, de tanks, de canons, de camions. Il apparut que ce tas de machines
était en réalité d’une mobilité moindre que l’infanterie ordinaire.
Le général Miaja, défenseur de Madrid, formait cependant des
unités pour les jeter sur ce secteur menacé du front. Pour parer au plus pressé,
il eut, probablement avec ses conseillers soviétiques, l’idée audacieuse d’opposer
à une petite armée motorisée, embourbée le long d’une chaussée défoncée et
détrempée, une puissante armée de l’air. Le 10 mars, le général Miaja donnait l’ordre
aux escadres aériennes soviétiques d’engager le combat. Ces forces étaient
principalement concentrées à l’aérodrome d’Alcala de Henares (je note en
passant que c’est dans cette localité que devait disparaître environ trois mois
plus tard mon ami Andrés Nin, séquestré dans une prison privée). Elles
comptaient, d’après le colonel Choumski, qui vient de leur consacrer dans les
Dernières Nouvelles russes
de Paris un
fort intéressant article :
– 4 escadrilles de chasse de monoplaces du type 1-15, soit
48 avions ;
-2 escadrilles rapides du type 1-16, soit 24 avions ;
-2 escadrilles d’appareils R-5, armés de mitrailleuses pour
le combat au ras de terre, contre l’infanterie, soit 20 avions ;
-1 escadrille d’avions de bombardement dits
Katiouchka.
Le 12 mars, une 3 e escadrille d’avions rapides et
une 2 e escadrille de bombardement renforcèrent cette armée de l’air
qui se trouva forte de 120 appareils. Les nationalistes en avaient 80 à 90, pour
la plupart italiens et allemands.
Le colonel Choumski écrit : « Les appareils R-5
sont munis, chacun, de 4 mitrailleuses pouvant tirer chacune 1 100 balles…
Les avions de bombardement portent chacun 4 bombes de 50 kilos ou 2 bombes de
100 kilos. » Le 11 mars, l’aviation soviétique fit un raid de reconnaissance
et de diversion à l’arrière des troupes de Franco. Le 12, elle commença sa
grande opération aérienne qui allait être, dans l’histoire, la première
victoire éclatante d’une armée de l’air sur une armée de terre. Les forces
italiennes serpentaient péniblement dans la boue, au long de 20 kilomètres, sur
la route de Saragosse à Madrid. 30 avions de chasse et de combat contre l’infanterie,
les uns protégeant les autres, les assaillirent d’abord. Puis 40 lourds avions
de bombardement survinrent, protégés sur leurs flancs par 45 avions rapides. La
colonne motorisée fut criblée de 500 bombes et de 200 000 balles. La
panique et le manque de routes l’empêchèrent de se déployer. Ce fut
instantanément le désastre. Les vingt mille volontaires de Mussolini, alourdis
par leurs mille moteurs, éreintés, accablés par un déluge mortel se débondèrent…
Les bataillons de la CNT arrivés sur le champ de bataille
dans la soirée du 12 « n’eurent qu’à ramasser les armes abandonnés… »
Ils ne firent que très peu de prisonniers, tant la fuite des Italiens avait été
générale. La garnison démoralisée de Brihuega se rendit le 18.
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