Retour à l'Ouest
Quinze avions
mitrailleurs, couverts par 45 avions de chasse poursuivaient l’ennemi en
déroute. La poursuite cessa ce jour-là par une attaque de 80 avions contre les
convois des nationalistes ; 12 avions de bombardement faisaient sauter
près de Sigüenza des trains de munitions. Les Italiens avaient reculé de quarante
kilomètres.
La
Revue de l’Armée de
l’Air
(française) a consacré à cet exploit de l’aviation soviétique,
une étude fort élogieuse. – On se demande comment expliquer, après une semblable
victoire, les défaites de Bilbao, de Santander et des Asturies ? Et
comment il se fait que cette magnifique aviation, mise au servie de la
République Espagnole par une puissance qui a su tirer sur place, du concours qu’elle
prête, un si grand parti politique, n’ait pas su secourir les mineurs des
Asturies, ces héros d’entre les plus admirables de la classe ouvrière d’aujourd’hui ?
Un puissant faux prophète
20-21 novembre 1937
J’avais été frappé, en parcourant le livre d’Adolf Hitler,
Principes d’action
, de n’y trouver à
vrai dire ni principes ni action [167] .
Du pathétique souvent, des diatribes antimarxistes fondées sur une ignorance
complète du marxisme, des sentiments véhéments et violents, le tout traversé
par une trépidation hystérique. Le démagogue, l’homme des foules, l’homme du
pouvoir, l’homme de sang du 30 juin 1934 [168] (mais sur cette action-là pas un mot dans le livre de propagande) sont dominés
par l’homme de foi qui, seul, fait leur force. Hitler est sincère. Hitler croit
l’essentiel de ce qu’il dit ou de ce qu’il ne dit pas ; et dès lors se
permet de mentir beaucoup. Comme la plupart des chefs de la réaction, il trouve
à ses propres yeux, dans sa sincérité, une justification de sa fourberie, souvent
plus grande et socialement beaucoup plus importante.
Il y a un cas Hitler, psychologique et social, qui troublera
longtemps les historiens (pour ne point parler du trouble qu’il jette dans le
cours même de l’histoire…), cas énigmatique s’il en fut. Sous quelque angle qu’on
veuille le juger l’homme apparaît incontestablement médiocre. Pas une action d’éclat
dans sa vie, pas un geste qu’on puisse admirer, pas une œuvre réellement digne.
Ni grandeur ni ressources profondes. Le soldat, s’il a reçu des récompenses, pas
plus imméritées sans doute que celles de la plupart des combattants de son
régiment, ne peut pas à vrai dire le justifier. L’artiste peintre qu’il a voulu
devenir est un raté. L’idéologue n’a qu’un mérite, mais celui-là déconcertant :
d’avoir su conduire tout un mouvement, pendant des années, à l’aide d’une
idéologie qui ne résiste à aucune critique rationnelle ; avec des notions
antiscientifiques jusqu’à la puérilité, jusqu’à l’inhumanité : ainsi, les
concepts de race, d’aristocratie de la force, d’antisémitisme. On en voit très
bien l’utilité ou plutôt l’utilisation : l’idée obscure, pour ainsi dire
mythique, de la race permet d’exalter le sentiment national d’un grand peuple
réduit à la panique par l’effondrement du système capitaliste, la carence des
forces révolutionnaires et les conséquences économiques et morales d’une guerre
perdue. L’aristocratie de la force servira à justifier, tout ensemble, les
privilèges du patronat et ceux des bandes armées. L’antisémitisme fournira un
dérivatif aux colères refoulées des masses. On a besoin de haïr quand on
souffre ; besoin de persécuter quand on en a le pouvoir et que l’on
souffre encore. Ici interviennent les instincts primordiaux de la bête humaine.
Dériver vers une minorité sans défense, mais industrieuse et parfois cossue, le
mécontentement des foules était bassement habile.
Konrad Heiden nous a donné dans son
Hitler
un portrait du
Führer
vraiment impressionnant [169] . On voit, page à
page, l’homme médiocre, possédé par sa foi, dominer les événements dont il est
le jouet et finir par devenir le chef symbolique d’une contre-révolution qu’il
ne comprend pas à fond, que personne d’ailleurs ne comprend à fond… L’adolescence
misérable est presque tragique à évoquer. Des années de jeunesse s’écoulent à
Vienne dans un asile de chômeurs. À l’origine de la foi même d’Hitler un
sentiment non de révolte, mais d’adhésion à la puissance, une volonté de
puissance sans audace (en ce sens-là, rien, mais
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