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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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données de cet article sont de provenance
soviétique officielle. La plupart ont été collationnées et commentées dans le
Messager socialiste
[241] russe du 30 juin
par le camarade Aronson.

Le 14 Juillet 1789 *
    16-17 juillet 1938
    Paris fête la prise de la Bastille, il y a cent
quarante-neuf ans. Les organisations du Rassemblement populaire renouvellent le
serment de conquérir et de défendre le pain, la paix, la liberté… Le pain n’est
pas trop cher, après tout, mais la paix est inquiète et la liberté compromise. Des
fronts d’Espagne parviennent jusqu’à nous les mornes roulements des canonnades :
tout un peuple saigne là-bas, presque sans pain. Les bulletins économiques
attestent cependant que les sociétés industrielles et financières font en
général de bonnes affaires ; mais le trésor est vide : ce n’est
mystère pour personne qu’il va falloir avant l’hiver prochain recourir à de
nouveaux expédients pour faire face à ses besoins. La presse de droite dénonce
le Front populaire comme le fauteur de toutes les crises. J’ai même lu dans
L’Action française
que « Léon Blum
a fait l’Anschluss ». Charles Maurras, nouvellement élu à l’Académie, appelle
Léon Blum « le Juif-Chameau-Chien » et convie les patriotes à
préparer, en vue de la guerre possible, le massacre de leurs adversaires
politiques… Les milieux avertis commentent avec souci l’installation des
Italiens à Majorque, la propagande italienne en Tunisie, les dispositions
militaires prises par Franco sous les Pyrénées. Mais la presse nationaliste
fait des vœux pour la victoire des Italo-Allemands en Espagne, c’est-à-dire
pour l’encerclement de la France et la rupture, en cas de conflit, de ses
communications avec l’Afrique… Paris, joyeux, pavoisé aux couleurs britanniques
tire des pétards, allume des lampions et s’apprête à danser… Jamais le souvenir
du 14 juillet 1789 ne mérita davantage d’être médité.
    Contrairement à ce que l’on répète quelquefois, la France de
1789 était un pays riche, un des plus riches de l’Europe, un des plus avancés
quant à la production et à la culture générale. Les richesses y étaient par
contre fort inégalement réparties et les finances publiques déplorablement
gérées par une royauté irresponsable ; les privilégiés têtus se montraient
bien décidés à défendre leurs cassettes. Il eût été facile de résoudre le
problème financier, à la condition de prendre l’argent où il y en avait : chez
la noblesse et le clergé. Mais la noblesse et le clergé, précisément, drainaient
les revenus de la nation, faisaient et défaisaient les ministres. À vrai dire, la
révolution commença – sans que personne s’en doutât – par une révolte des
privilégiés contre le fisc. Elle allait continuer par la révolte du Tiers État,
c’est-à-dire de la bourgeoisie riche et laborieuse, maintenue au second rang
dans l’État, et du peuple des artisans, des paysans, des pauvres gens, misérables
ceux-là, par endroits affamés.
    Le système tout entier était si mauvais qu’il entravait de
maintes façons non seulement le progrès mais jusqu’au fonctionnement de la
production et des échanges. Un malaise profond en résultait qui amenait les
hommes de bonne volonté, au sein de l’aristocratie même, à se rallier aux idées
révolutionnaires. Celles-ci venaient de remporter dans le monde une éclatante
victoire par la proclamation de l’indépendance américaine. Des artisans, des
commerçants et des pionniers, rudes bourgeois travailleurs imbus des traditions
de la révolution anglaise de 1640 qui fit tomber la tête de Charles I er venaient de se constituer au Nouveau Monde en libre république. Et la monarchie
française, pour affaiblir la Grande-Bretagne, sa rivale, leur avait envoyé La
Fayette…
    Une mauvaise récolte, en 1788, aggrava la crise sociale. Le
pain fut exagérément cher. Les grandes viles comptèrent des chômeurs par
dizaines de milliers. Dans les campagnes, l’émeute naquit de la faim. Les
Notables avaient refusé l’impôt, les États Généraux se montrèrent ingouvernables :
le Tiers État s’y dressait, en représentant de la nation, contre l’aristocratie.
Louis XVI et la Cour ne virent d’issue que dans un coup de force : vivement
un pouvoir fort !… Alors intervint tout à coup le peuple, grand personnage
silencieux que l’on redoutait mais sans le croire capable de vaincre :

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