Retour à l'Ouest
manchettes, des sous-titres ! Mensonge
des textes ! Mensonge des cartes ! Mensonge des chiffres ! Mensonge
des caricatures ! Mensonge du conditionnel ! Mensonge des guillemets !
Mensonge des omissions ! Mensonge, mensonge ! L’homme de la rue, affolé
par des flots de mensonges contraires, persécuté chez lui par la radio, en
proie à son journal, comment s’y retrouvera-t-il ? Ne voyez-vous pas qu’il
est d’avance trompé, berné, aveuglé, vaincu jusque dans son âme ? Et que
le peu d’intelligence autonome que lui laissent les rotatives et les
haut-parleurs, il va mécaniquement l’employer à mentir à son tour dans le sens
indiqué, car il ne peut plus savoir ni ce qui se passe, ni ce qu’il fait
lui-même, ni ce qu’on fait de lui ?
En vérité, quand on y réfléchit, ce spectacle du mensonge
obnubilant le cerveau des foules, usant leurs nerfs, désorientant les
consciences plus profondément que les États ne mobilisent la chair à canon, ce
spectacle a quelque chose d’infernal. Et il serait affreusement décourageant si
le mensonge même ne suscitait, dans les régimes non totalitaires, ses propres
antidotes. Il suffit que quelques esprits clairs se refusent à lui, gardent
fermement leur dignité, dans le danger même, pour que les fantômes se dissipent…
Les fabricants de mensonge ont, il est vrai, la force de l’argent, les plumes
serviles – par légions – et ils recommencent ce soir et demain ils
recommenceront… Ils recommenceront tant que l’édifice social sera bâti sur l’iniquité :
car le mensonge naît de l’exploitation de l’homme par l’homme : l’exploiteur
ne pouvant certes pas dire la vérité à l’exploité. Tout est donc faussé : philosophie,
croyances, sciences, morale, information. Et livrer bataille au mensonge c’est
toujours, dès lors, défendre l’homme contre ce qui l’accable. « Être
antifasciste, écrit Michel Alexandre, c’est d’abord résister à ce dressage de l’esprit,
c’est dire Non à cette continuelle entreprise de “mobilisation des consciences”,
c’est cela ou ce n’est rien. » – Comme vous avez raison, Michel Alexandre !
Et quelle âpre leçon vous donnez à tant d’antifascistes qui, par une singulière
faiblesse, se sont faits les complices de certains mensonges qu’ils croient
utiles, sur le régime de l’URSS, par exemple !
Il s’agissait en septembre 38, du sort de l’Europe et du
sang des Européens. Le 9 septembre,
Ce
soir
donne un gros titre : « Une entrevue capitale à
Nuremberg, M. Hitler reçoit, à sa demande, l’ambassadeur d’Angleterre ».
C’est faux…
L’Humanité
du 13
annonce que « toutes les puissances démocratiques » s’unissent à la
France et à l’Angleterre. Toutes ? Lesquelles ? Péri mentionne la
Suisse, la Hollande, la Belgique, les États-Unis… Et il ment, car les petits
États d’Europe prennent des mesures de sécurité et non de solidarité avec la
France et l’Angleterre ; car les États-Unis ne font rien… Les textes
officiels sont tronqués. Dans une déclaration de M. Roosevelt sur la
menace allemande, le mot prudent « injustifiable » est remplacé par « inqualifiable »
qui est nettement agressif (
L’Ordre
[282] ). –
L’Humanité
publiant le 12 septembre le
discours d’Hitler fait sauter tout entier le paragraphe concernant l’Alsace-Lorraine !
Dans
La Lumière
[283] , M. Albert
Bayet, au contraire, déclare : « Quand Hitler proclame solennellement
qu’il daignera nous laisser l’Alsace, j’en conclus avec évidence qu’il pose la
question d’Alsace… »
Vigilance
[284] commente :
« Évidemment… et Albert Bayet la fait poser par Hitler encore plus
évidemment ! »
La formidable machine à fabriquer le mensonge fonctionne
aujourd’hui à plein rendement au service de la firme Burgos-Franco [285] . Le cahier où l’on
réunira les infamies répandues tous les jours par la presse fascisante ou tout
simplement bourgeoise contre les républicains d’Espagne ne sera ni moins
tragique ni moins bouffon que celui de septembre 38. Même tendance du reste, mêmes
hommes, mêmes fins : l’esprit de guerre est aussi l’esprit de classe des
réactions. Laissez-moi citer, pour finir, sans même commenter des textes trop
clairs, deux coupures de presse. Dans
L’Action
française
[286] (royaliste), du 18 février, ces titres sur deux colonnes :
Un démenti formel du général de Tella, chef de la
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