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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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63e
division : On ne fusille pas les prisonniers en Espagne nationaliste.
    Lisons : « Les troupes glorieuses du Caudillo
apportent la paix et le pardon avec le pain et la justice sous le signe
prestigieux des banderas d’or et de sang brodées d’éblouissants symboles… »
Et cætera… La veille, ou le jour même, je découpais dans
Le Petit Journal
[287] (Croix-de-feu), sous
le titre : « Dimanche chrétien en Catalogne », un reportage de M. Apestéguy,
daté de Puycerda. Voici :
    « Tous les passants regardent sans aucune pitié, au
pied d’un mur criblé de balles, les corps entassés de leurs anciens bourreaux
qui gisent sous la lumière rayonnante de cette journée, anéantis, loques
désarticulées, ensanglantées, aux visages terreux, dont le masque a les stigmates
de l’épouvante et du châtiment, et qui n’ont pu rien conserver de l’apparence humaine. »
    Ces victimes martyrisées sont, aux yeux du journaliste, des
bourreaux, vous avez bien lu. L’évidence est pourtant que c’étaient de pauvres
gens demeurés dans la ville précisément parce qu’ils espéraient n’avoir rien à
craindre des franquistes… En quoi ils se trompaient ; car les généraux ont
fait cette guerre contre leur peuple essentiellement pour « tuer du pauvre »,
selon le mot de M. Georges Bernanos, écrivain de droite.

Le témoignage d’Alexandre Barmine [288] *
    4-5 mars 1939
    Le livre d’Alexandre Barmine, qui fut jusqu’en 1937, chargé
d’affaires de l’URSS à Athènes, mérite à coup sûr une place de premier plan
parmi les ouvrages d’actualité internationale. D’abord, il est complet : c’est
l’expérience d’un homme, de l’enfance à l’âge mûr à travers toute la révolution.
Ensuite il est vivant, fait de choses vues et vécues. Enfin, il respire une
indéniable bonne foi. Personne ne se lèvera dans le monde pour dire à ce témoin :
« Ceci n’est pas vrai. » Les hommes dont il nous offre des portraits,
il les a coudoyés, fréquentés, aidés dans leur travail ; il s’est battu à
leurs côtés à vingt ans ; passé trente ans, il livrait avec eux, dans les
maisons commerciales de l’URSS à Paris et Berlin la bataille secrète de l’or
pour le grand plan quinquennal… Ces hommes furent bien tels qu’il les décrit ;
d’autres les ont connus, d’autres les ont vus à l’œuvre et leur œuvre, d’ailleurs,
subsiste : c’est un grand pays industrialisé, puissamment armé, pourvu d’une
nouvelle armature sociale, qui serait, si de sanglants parvenus n’y imposaient
leur dictature, un des premiers pays du monde (et il le redeviendra, n’en
doutons point, quand les sanglants parvenus auront eu la fin qu’ils se préparent
eux-mêmes…) De page en page, à travers les trois cents quatre-vingts pages de
ce récit d’une vie entière et d’une révolution entière, croquis et portraits se
succèdent d’humbles combattants du rang ou de personnages illustres et tous
suivis de la même mention : « disparu – en prison – en 1936-1938 »
(ceci pour les inconnus ou peu connus), « fusillé en 1936-1938… » (ceci
pour les illustres). Un terrible document photographique, parfaitement officiel,
illustre le livre. C’est un montage photographique emprunté à l’Album publié
par les Éditions de l’Armée Rouge à l’occasion du XV e anniversaire
de la fondation de cette armée. Trotski n’y figure pas bien entendu. : mensonge
par omission ; Antonov-Ovseenko n’y figure pas non plus, car il était
suspect d’hérésie et semi disgracié dans des ambassades (il a disparu en 1937) ;
ni Blücher (disparu) dont le maître se méfiait : mais voici les treize
mâles têtes des membres du Conseil militaire supérieur, réunies sous l’épigraphe
de Staline : « Vivent l’armée rouge héroïque, ses chefs et son
Conseil supérieur ! » – Eh, il n’y avait qu’à les laisser vivre pour
qu’ils vécussent ! Enumérons : Gamarnik (suicidé), Toukhatchevski (fusillé),
Egorov (disparu) ; Khalepski (disparu), Orlov (fusillé), Iakir (fusillé) ;
S. Kamenev (décédé), Ordjonikidzé (vraisemblablement empoisonné), Boudienny (survivant
– le seul !), Alksnis (fusillé), Mouklévitch (fusillé), Eideman (fusillé),
Ouborévitch (fusillé). C’est bien, sur le plan militaire, le bilan d’une époque.
Notez que le bilan est le même sur le plan industriel, sur le plan agricole, sur
tous les plans !
    Le témoignage d’Alexandre

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