Retour à l'Ouest
n’ont pas hésité à soutenir Hitler à ses débuts. Je lis dans
Esprit
(numéro de juin), le « Témoignage
d’un Juif » de W. Rabinovitch [316] :
c’est un beau cri d’indignation contre l’attitude inqualifiable de la
bourgeoisie réactionnaire juive qui trahit tous les jours les Juifs sans argent,
les plus persécutés… W. Rabinovitch nous apostrophe tous en ces termes :
« Quand un grand rabbin, représentant une grande communauté comme celle de
Paris déclare que les Juifs peuvent être accueillis n’importe où mais pas en
France, ni dans “les régions habitables de son empire colonial”, dites-moi, vous
enfin, Juifs ou non-Juifs, vous qui n’êtes pas prévenus, comment vous appelez
cela ? » W. Rabinovitch pose le problème avec une lucide passion :
« Nous sommes seuls, conclut-il, comme les Tchèques, seuls comme les Espagnols,
seuls comme les Chinois. Réduits à nos propres moyens… » Le terrible dans
la seule nation qui soit tout à fait sans destinée, de la seule nation qui soit
tout à fait sans foyer, tout à fait sans défense, c’est qu’elle partage le sort
de tous les opprimés à une époque de réaction triomphante ; sans doute ne
trouvera-t-elle son salut qu’avec tous les opprimés, quand succombera la
réaction. Le salut des Juifs se lie ainsi à la victoire du socialisme.
Baltika *
1 er -2 juillet 1939
Avions japonais, avions soviétiques tombent du ciel des
Mongolie, en série, mitraillés les uns par les autres ; mais ce n’est pas
la guerre, bien entendu… Pas la guerre, du tout. Des deux côtés pourtant, les
communiqués mentent avec une candeur insolente. Pendant ce temps, entre Londres
et Moscou, la négociation laborieuse continue. « Il faudra bien finir par
signer quelque chose », écrit Emery dans
Feuilles Libres.
Il le faudrait, en
effet, par décence et pour continuer le jeu. Mais il semble par moments que ce
ne soit pas certain. Chacun des partenaires de la négociation peut souhaiter
mettre l’autre en mauvaise posture en lui imputant l’échec de cette entreprise
diplomatique. Les plus grandes difficultés résulteraient – paraît-il et pourquoi
ne pas l’admettre ? – du problème balte. Arrêtons-nous y un moment.
Les quatre États baltes, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie,
sont nés en 1918-1920 du démembrement de l’empire russe par la guerre civile et
l’intervention étrangère, allemande d’abord, franco-britannique ensuite. La
Finlande, incorporée à l’Empire sous Nicolas I er , jouissait
auparavant d’un statut relativement indépendant ; pas en politique
étrangère toutefois. En 1918, après la prise du pouvoir par le parti bolchevik,
le parti socialiste finlandais, secondé par les garnisons révolutionnaires
russes, n’eut pas de peine à instituer dans le pays un régime socialiste qui
fut extrêmement modéré, éclairé, démocratique, avec une Constitution en somme
idéale… Cette république [mot illisible] de Finlande, fort peu teinté de bolchevisme,
eût été viable si, lors des négociations de Brest-Litovsk, l’état-major
allemand n’avait exigé des Soviets l’abandon de la Finlande. Une fois signé ce
traité d’humiliation et de spoliation, une armée allemande commandée par le
général von der Goltz débarqua en Finlande pour y procéder avec les
gardes-blanches du général Mannerheim, au massacre systématique des Rouges. L’intervention
allemande arracha ainsi la Finlande à la fédération naissante des républiques
socialistes soviétiques.
Les fantassins de von der Goltz occupèrent l’année suivante
Riga, capitale de la république soviétique de Lettonie. Dans l’entre-temps, les
empires d’Allemagne et d’Autriche s’étaient écroulés. La contre-révolution des
pays baltes, germanophile jusqu’alors, changeait d’orientation. C’est à
Versailles, en organisant le blocus de la révolution russe, que l’on décida de
reconnaître les quatre États de la Baltique russe ; c’est ravitaillés et
soutenus par les alliés qu’ils se fortifièrent un peu. La Commune russe
reconnaissait en principe à toutes les nationalités le droit de se séparer d’elle ;
en réalité, assaillie sur deux continents, elle avait d’autres soucis que celui
de défendre ses ports de la Baltique. En 1920, cependant, l’armée de
Toukhatchevski, envahissant la Pologne, occupa une grande partie de la Lituanie.
En 1923 ou 1924, Zinovievtenta de
soviétiser l’Estonie en y
Weitere Kostenlose Bücher