Retour à l'Ouest
répandue.
Il me semble acquis que la révolution russe, bourgeoise-démocratique
à ses débuts, socialiste à partir de la prise du pouvoir par les bolcheviks, assura
aux Juifs de Russie, une émancipation totale, immédiate, sans conditions, d’autant
plus réelle que, sous l’ancien régime, les Juifs, cantonnés dans des
territoires réservés, avaient subi des persécutions incessantes…
M. Baratz croit devoir rappeler que cette grande
réforme fut accomplie avant la dictature du prolétariat en mai 1917, sur l’initiative
de M. Kerenski , alors ministre de la Justice. Ce
qu’il convient de rappeler également, c’est qu’en 1918 commença une guerre
civile de quatre années, fomentée, déclenchée, poursuivie par les classes
riches – pour la défense de leurs privilèges – contre le pouvoir socialiste et
qu’au cours de cette guerre civile, partout où la contre-révolution, qu’elle
fut monarchiste ou démocratique, triompha momentanément, les Juifs furent
terriblement maltraités. En Ukraine, la contre-révolution nationaliste – qui se
prétendait démocratique – dirigée par Simon Petlioura entreprit l’extermination de la population juive ; et c’est par milliers
que les Juifs, hommes, femmes et enfants, furent massacrés lors des pogromes de
Proskourov [315] .
Ces horreurs, les Soviets les faisaient cesser partout où arrivait l’Armée
rouge. Si la contre-révolution avait triomphé en Russie, la condition des Juifs
eût été indescriptible comme elle l’est dans les pays où triomphe maintenant la
contre-révolution fasciste.
Il est vrai que les mesures anticapitalistes et
antireligieuses prises par la dictature du prolétariat atteignirent durement la
partie riche ou aisée de la population juive de l’URSS ; les Juifs aisés
ou riches ne firent cependant que partager le sort de la bourgeoisie et de la
petite bourgeoisie russe qui, en résistant des années durant et par tous les
moyens à la révolution des travailleurs, ne pouvaient manquer de s’attirer de
longues représailles. La lutte sociale, poussée à ce paroxysme, a sa propre
logique et c’est une logique inexorable. Il reste que la victoire du
bolchevisme mit fin aux pogromes, enraya un antisémitisme terriblement virulent,
ouvrit toutes les carrières aux Juifs pauvres ; et le fait est qu’il s’en
trouva en grande proportion dans tous les services du nouvel État. Plus
instruits que la population russe, plus doués pour le travail administratif, les
Juifs fournirent tout de suite un gros contingent de fonctionnaires, de chefs
militaires, d’agitateurs, de gouvernants en un mot. Nul ne songea jamais à le
leur reprocher, car ils servaient bien et on estimait l’heure venue de l’émancipation
de toutes les nationalités opprimées. Le régime se montrait vigoureusement
hostile à toutes les églises (qui d’ailleurs le lui rendaient bien), la
judaïque compris. Jamais pourtant, il n’interdit l’exercice d’aucun culte.
À partir de 1926 commence en URSS la réaction stalinienne. Le
grand drame de la collectivisation forcée cause des souffrances infinies, notamment,
par contrecoup, à la population juive, formée, en grande partie, de petits
commerçants et d’artisans ; mais c’est encore une fois pour eux le droit
commun ou la commune absence de droits. Les Juifs partagent le sort des
non-Juifs, rien de plus. Le sionisme est persécuté comme toutes les idéologies,
comme tous les nationalismes indépendants de la caste bureaucratique : comme
le socialisme, l’anarchisme, le syndicalisme, la maçonnerie, les nationalismes
ukrainien, géorgien, turc, kirghiz, mongol. Quand, en 1936-1938, Staline
extermine les vieux bolcheviks, les Juifs y passent comme les autres… La
réaction stalinienne est inhumaine, elle n’est pas antisémite. Elle n’a pas
touché à l’égalité de toutes les nationalités, rendons-lui cette justice, même
à l’heure où l’égalité formelle des droits confond toutes les nationalités dans
une même oppression.
M. Léon Baratz a donc doublement tort de méconnaître l’attitude
de la révolution russe, tant qu’elle fut ardemment socialiste, à l’égard des
Juifs et de ne pas établir plus exactement, pour ce qui est de la condition des
Juifs en URSS, les responsabilités de la réaction bureaucratique.
Les journaux parlaient récemment d’un emprunt que des
grandes banques juives offraient à Franco… Par peur du socialisme, des
financiers juifs
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