Retour à l'Ouest
déclenchant un soulèvement communiste qui coûta la
vie à quelques centaines de prolétaires de Tallinn…
Conquis de haute lutte, dans le sang, sur l’URSS, les pays
baltes forment contre elle des bases d’opérations stratégiques d’une importance
capitale. De l’océan Arctique aux frontières de la Pologne, ils la coupent de
ses voies d’accès naturelles à la mer par les ports de Tallinn (autrefois Reval),
Riga, Libau. Les routes les plus commodes que pourrait suivre une armée d’invasion
pour tenter d’atteindre Moscou, partent de ces trois ports. L’Estonie et la
Finlande, enfin, menacent la région industrielle de Leningrad d’une façon tout
à fait immédiate. La frontière finlandaise passe à 34 kilomètres au nord du
plus grand port soviétique ; la frontière estonienne, avec les fortifications
de Narva, est à 137 kilomètres à l’ouest.
L’Estonie compte 1 200 000 habitants, la Lettonie
et la Lituanie en ont chacune 2 millions environ. La Finlande est plus peuplée.
Ce sont des pays agricoles ; Riga seule possède une industrie relativement
développée grâce à laquelle ce fut sous Nicolas II une des citadelles du prolétariat
militant. Estonie, Lettonie, Lituanie ne peuvent avoir de vie économique
normale et tant soit peu prospère qu’en relation avec l’hinterland russe ;
le transit commercial à destination de la Russie assure une part importante de
leurs revenus.
Nés de la contre-révolution, ces petits pays sont demeurés
résolument sympathiques à tous les régimes de réaction. La Lettonie est même
gouvernée par un dictateur : M. Ulmanis , qui a
mis les partis ouvriers hors-la-loi… S’ils avaient, en cas de crise européenne,
à choisir entre la « protection » des armées rouges et l’occupation
nazie, aucun doute n’est permis : les gouvernants des quatre républiques
blanches préfèreraient de beaucoup le nazisme qui, du moins, maintient la
propriété capitaliste.
Tout ceci bien considéré, le jour où éclaterait une
conflagration européenne, la logique d’une stratégie tout à fait élémentaire
commanderait à l’URSS de ne pas laisser ces positions importantes à la
disposition de ses ennemis et de mettre une heure trouble à profit pour récupérer
les frontières maritimes qu’elle perdit dans la guerre civile de 1918-1920.
Béla Kun *
8-9 juillet 1939
Une crise extrêmement grave s’ouvrit tout à coup, au sein du
gouvernement révolutionnaire de la république des soviets, en juillet 1918. Le
Conseil des commissaires du peuple était formé de représentants de deux partis
frères : bolchevik et socialiste-révolutionnaire de gauche. La paix
humiliante de Brest-Litovsk, que Lénine qualifiait de « paix infâme »,
avait été signée récemment. Plus romantiques que les bolcheviks qui se
rendaient compte de l’impossibilité matérielle d’opposer une résistance armée
aux Allemands, les socialistes-révolutionnaires de gauche, parti de petite
bourgeoisie intellectuelle et rurale, tentèrent un coup de force contre leurs
camarades bolcheviks, afin de s’emparer de la totalité du pouvoir et de
déchirer le funeste traité. Une courte bataille de rues s’ensuivit à laquelle
prit part, du côté bolchevik, un détachement international d’ex-prisonniers de
guerre socialistes, allemands, autrichiens, hongrois… Un jeune militant
hongrois, originaire de Transylvanie, se fit remarquer par son activité, en ces
jours troubles. L’émeute réprimée, on se souvint de lui quand il fut question d’envoyer
des hommes sûrs en Hongrie, pour y diriger le parti communiste naissant. Il s’appelait
Béla Kun.
Rentré en Hongrie à la fin de 1918, Béla Kun trouva un pays
en effervescence, où montait la révolution. Il se jeta dans l’action et fut
bientôt emprisonné…
C’est à la prison que le comte Karolyi ,
président du Conseil, vint lui offrir le pouvoir. Le 16 novembre 1918, la
Hongrie s’était proclamée : « République populaire ». Les
minorités nationales disloquaient l’ancien royaume, les travailleurs s’emparaient
des usines et des terres : la vieille société s’effondrait dans une fin de
guerre désastreuse. Les Alliés, poursuivant implacablement le démembrement de
la double monarchie des Habsbourg, l’Autriche-Hongrie, formulèrent à l’égard du
gouvernement de Budapest de telles exigences que, pour ne pas devenir les
instruments de la destruction de leur pays, les ministres
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