Retour à l'Ouest
rappelons enfin que les républiques d’Estonie,
de Lettonie et de Lituanie se sont constituées, grâce à l’intervention
étrangère contre la révolution russe, comme de véritables bases d’opérations
contre celle-ci…
Il va de soi que l’URSS enverrait volontiers dans tous ces
pays, si l’occasion s’en offrait, des armée rouges que l’on appellerait de
secours ; mais c’est justement ce que les gouvernements de Varsovie, de
Bucarest et des petites républiques baltes craignent le plus. En tout ceci, remarquons
qu’il ne s’agit à la vérité que des intérêts traditionnels de la Russie. Mais
les intérêts particuliers de la bureaucratie stalinienne pèsent dans le même
sens. Cette caste de parvenus d’une révolution, socialiste à son départ – et
qui maintient la socialisation complète des moyens de production, de
répartition et de transport – ne saurait consentir, par on ne sait quelle
solidarité avec des grandes puissances capitalistes, à s’engager dans une
longue guerre où elle risquerait fort de trouver sa perte. Elle ne souhaite pas
non plus une révolution populaire en Allemagne, car le réveil des masses russes
qui s’ensuivrait nécessairement mettrait le régime bureaucratique en péril… Staline
ne recherche que sa propre sécurité, c’est-à-dire celle de son régime ; l’aggravation
du conflit entre les puissances totalitaires et les puissances démocratiques, présente
pour lui bien des avantages ; depuis que la Reichswehr est entrée à Prague,
la situation s’est nettement retournée en sa faveur. Depuis que la
Grande-Bretagne et la France ont garanti les frontières de la Pologne, il est
rassuré pour l’Ukraine.
Les raisons qui rendent cependant nécessaire à Moscou même
un accord avec Londres et Paris sont d’un ordre différent. L’Allemagne n’a pas
jusqu’ici consenti à reprendre la politique de Rapallo, c’est-à-dire d’amicale
collaboration avec l’URSS ; et c’est sans doute que l’antibolchevisme est
aussi indispensable à la politique intérieure d’Hitler que l’antifascisme l’est
à celle de Staline. Par tradition révolutionnaire, par idéologie officielle, par
besoin profond les masses de l’URSS sont hostiles au fascisme ; subissant
elles-mêmes la dure loi totalitaire, leurs sympathies instinctives ou
conscientes, selon le cas, vont aux pays démocratiques. On a beau réduire les
masses au silence, les lier, les faire défiler devant les tribunes officielles,
les gouvernements doivent tenir compte de ce qu’elles pensent, de ce qu’elles
ressentent. Si après avoir fusillé les compagnons de Lénine, Staline recherchait
ostensiblement, dans sa politique étrangère, l’amitié de Hitler et de Mussolini,
il sait très bien comment le jugeraient les masses silencieuses… À cette
situation compliquée, la diplomatie soviétique s’efforce, en ce moment de
trouver une solution formelle qui devra répondre aux conditions suivantes :
ne point trop dérouter l’opinion à l’intérieur ; permettre à l’URSS de
conserver les sympathies au moins formelles des puissances démocratiques ;
lui permettre cependant de garder vis-à-vis de l’Allemagne sa liberté de manœuvre ;
stabiliser autant que possible les frontières à l’est de l’Europe afin que l’URSS
puisse affermir ses positions en Asie ; assurer à l’URSS, en cas de guerre
européenne, le maximum d’avantages diplomatiques et stratégiques, c’est-à-dire,
au fond, un jeu tout à fait indépendant.
Les Juifs et la révolution
24 juin 1939
Ayant à plusieurs reprises entretenu les lecteurs de
La Wallonie
de la condition des Juifs
en URSS [314] ,
j’ai reçu de M. Léon Baratz , publiciste dévoué à la
cause de ses co-religionnaires, plusieurs lettres et articles sur cette
importante question. La thèse de M. Léon Baratz est que « trois
millions de Juifs, le cinquième du peuple juif », sont voués, en URSS, à
la « destruction absolue de leur âme, de leur culture », par la « disparition
complète du judaïsme ». Ainsi posée, la question devient tellement
complexe que l’on hésite à y toucher. Le point de vue de M. Léon Baratz
est en somme celui du nationalisme juif ; le mien, celui du socialisme international.
L’écart est si grand entre nous que la discussion ne serait guère féconde. Mais
je voudrais ici mettre au point quelques idées et quelques faits dont il serait
souhaitable que la connaissance fût plus
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