Retour à l'Ouest
de
l’histoire » ou « Qu’est-ce que la
culture ? » Quelle est l’origine de la violence et des massacres
(« La bête humaine », « Pour une cause sacrée ») ou celle du grand
mensonge des dominants (« Pensée dirigée »,
« Bourrage de crâne », « L’école du cynisme »). A l’occasion d’anniversaires
historiques, il rappelle « Les grandes dates de novembre » (1917, 1918,
1923, 1936) ; la Commune de Paris (« Souvenir
du 18 mars », « En
soixante-sept ans ») ; « Le
souvenir de Cronstadt 1921 », « Il y a vingt
ans : mort de Rosa Luxemburg », « La
fin de la Révolution française », ainsi que « Révolutions et tyrannies » (de
Cromwell à Franco) ; le massacre des travailleurs socialistes de Vienne
(« Autriche 1934 »). Il s’agit des
éléments d’une histoire vue d’en bas où les masses jouent le rôle principal. Par
exemple, « Il y a vingt ans » (février 1937) montre
la révolution des travailleurs et soldats de février 1917 qui s’organisent si
tranquillement que les bourgeois de Petrograd ne s’en aperçoivent pas et que le
tsar, qui ne se doute de rien, se retire doucement lorsque ses adjoints lui
apprennent que personne n’obéit plus à ses ordres. Il aborde aussi la théorie révolutionnaire
(« Marx et Bakounine », « D’un livre sur Karl Marx », « Hérésie et orthodoxie ») du point de
vue d’un marxisme libertaire, ouvert – mais rigoureux sur le terrain de la
guerre des classes.
C’est cette philosophie marxiste humaniste, « totalisante »
mais en même temps critique, qui structure toutes ses analyses, qu’elles
relèvent de l’actualité ou de l’histoire. Elle lui permet de contextualiser les
conflits entre classes et États et de les rendre compréhensibles pour les
travailleurs et travailleuses vivant cet avant-guerre tumultueux où s’opposent
les propagandes de masse mensongères et où la contre-révolution porte le masque
de la révolution. A la fois lucides et profondément engagées, les chroniques de
Serge sont imprégnées du sens de l’histoire – de la volonté de vivre dans et
pour l’histoire – éthique qu’il hérite de l’intelligentsia révolutionnaire
russe. Surtout, Serge est internationaliste. Né apatride à Bruxelles, ayant
vécu, lutté (et fait plus de dix ans de prison) dans cinq pays, Serge ne connaît
pas la tentation nationaliste. Son point de vue est effectivement « planétaire »
(adjectif qu’il emprunte à Gorki) qu’il s ‘agisse de la Chine, de la vie
des nomades (« Un empire des steppes »),
de l’exploration arctique ou de la géologie (thème important dans ses romans).
L’ensemble des 203 chroniques de
La Wallonie
constitue donc un authentique document historique
et littéraire. Écrites par un journaliste accompli et bien informé pour un
public de lecteurs et de lectrices syndicalistes et socialistes dans un style
sobre, lucide, lapidaire, ponctué de faits, elles pourront aussi servir d’introduction
à ces années tragiques et contradictoires pour de nouvelles générations qui ne
les connaissent que par ce que les grands médias veulent bien en dire, c’est-à-dire
pas grand-chose de pertinent pour comprendre les véritables enjeux de cette
période… et la notre. Il nous a été d’autant plus difficile d’en faire un choix
pour ce volume, mais comme indiqué plus haut, les lecteurs soucieux de
connaître les autres chroniques pourront progressivement les consulter sur le
site des éditions Agone.
RICHARD GREEMAN
Montpellier, février 2010
1936
Retour à l’Occident
12-13 juin 1936
Nos lecteurs
connaissent, de réputation du moins, le grand écrivain Victor Serge. Rentré d’exil
depuis un mois à peine, après dix années d’une vie mouvementée et souvent
pénible, il a bien voulu nous accorder sa collaboration régulière. On trouvera
ci-dessous son premier article.
Les hasards d’une destinée d’écrivain militant m’ont amené à
séjourner assez longtemps en URSS, aux portes de l’Asie, avant de retrouver l’Occident.
Rien ne montre mieux quelles profondes différences existent dans la mesure de l’homme,
du temps, de la vie même entre ces deux mondes qu’un brusque passage de l’un à
l’autre. Et pourtant, il suffit de cinq ou six jours de chemin de fer, d’un ou
deux jours d’avion pour franchir la distance du Turkestan à Paris ; des
relations d’interdépendance ou,
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