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Révolution française Tome 1

Révolution française Tome 1

Titel: Révolution française Tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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roi. »
     
    Louis se sent ainsi observé, jaugé, jugé, critiqué, et cette
colère mêlée d’amertume, ce sentiment d’impuissance, qui le rongent, il ne peut
les exprimer qu’en se jetant au terme d’une chevauchée, couteau au poing, sur
le gibier qu’il a acculé.
    Mais cette force et cette rage intérieures sont proscrites
dans le monde policé, retors, dissimulé, de la Cour et dans le labyrinthe des
intrigues qui constitue la politique de la monarchie.
    Alors Louis doit affronter et subir les regards perçants des
courtisans, des ambassadeurs, qui font rapport à leurs souverains sur cette
monarchie française, si glorieuse, si puissante, et cependant taraudée par les
faiblesses de ceux qui l’incarnent, et paralysée par les résistances aux
réformes de ses élites privilégiées.
    L’ambassadeur d’Espagne écrit ainsi :
    « Monsieur le Dauphin n’a pas encore révélé son talent
ni son caractère. On ne doute pas qu’il soit bon et grand ami de la vertu. Sa
taille est bien prise et son corps robuste ; il aime extrêmement la chasse
et la suit à cheval si dextrement qu’on le suit avec difficulté. On considère
même qu’il s’expose à des chutes dangereuses.
    « On ne connaît personne qui ait gagné sa confiance
intime.
    « On doute qu’il ait consommé son mariage. Quelques-uns
l’affirment, mais plusieurs dames de la dauphine ne paraissent pas le croire ;
il ne manque pas de pièces à conviction pour le faire penser.
    « On retrouve dans le linge des deux princes des taches
qui révèlent que l’acte a eu lieu, mais bien des gens l’attribuent à des
expulsions extérieures du dauphin qui n’aurait pas réussi à pénétrer non par
manque de tempérament mais à cause d’une petite douleur mal placée qui s’accentue
quand il insiste.
    « D’autres croient que tout a été accompli, parce que
le dauphin s’est montré plein d’affection avec la dauphine depuis quelque temps ;
mais le doute qui continue à planer sur le sujet, pourtant si important, ne
laisse pas penser que le résultat désiré ait été atteint, sans quoi on l’eût
célébré.
    « La dauphine est belle et de cœur très autrichien :
tant qu’il ne l’aura pas très attachée à la France il est naturel qu’elle goûte
peu tous les avantages de ce pays.
    « Pourtant elle aime beaucoup les bijoux et les
ornements et ne manque pas d’occasions ici de se procurer tout ce qu’elle
souhaite, elle peut donc satisfaire abondamment l’inclination de son sexe…
    « Le comte de Provence a très bon air. Mais tout le
monde, d’une voix unanime, affirme son impuissance.
    « Le comte d’Artois est galant et de belle allure, il a
plus de lumières que ses frères et plus de dispositions à s’instruire. À le
juger par son apparence, sa vivacité et toutes ses qualités le font apparaître
comme le sauveur et le restaurateur de sa famille.
    « La situation de ce gouvernement et de cette monarchie
n’est pas à envier… »

     
     
    4
    Louis sait ce que l’ambassadeur d’Espagne pense du royaume
de France.
    Et il n’ignore rien de ce que les courtisans, les autres
diplomates, et les membres de la famille royale, écrivent dans leurs missives, chuchotent
entre eux.
    Le compte rendu de leurs propos, la copie de leurs lettres, viennent
d’être déposés, là, sur la table, par le directeur de ce « cabinet noir »
chargé de recueillir les conversations, d’ouvrir les correspondances, et d’en
faire rapport quotidien au roi.
    Ainsi l’avaient voulu Louis XIV, puis Louis XV, et Louis a
pris leur suite, fasciné en même temps qu’effrayé par ce qu’il découvre, avide
désormais de connaître ainsi la réalité cachée de ce royaume dont il a la
charge, et de percer à jour les intentions de ses proches.
     
    Louis se convainc que ce ne sont point les apparences qui
comptent, que les propos publics ne sont le plus souvent que le masque d’intentions
et de projets différents.
    Il avait depuis l’enfance dissimulé ses pensées, adolescent
solitaire et silencieux. Il se persuade qu’on ne peut gouverner ce royaume, agir
sur les hommes, qu’en jouant une partie secrète, dont il ne faut livrer les
ressorts à quiconque, même au plus proche des conseillers, même à la reine.
     
    Comment d’ailleurs pourrait-on agir autrement, quand on est
celui qui doit, en dernier recours, décider du sort de ces vingt-cinq millions
de sujets qui constituent le royaume le plus peuplé

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