Révolution française Tome 1
anciens gardes du corps et gardes du roi, viendront
les rejoindre, certains gardes nationaux des quartiers ouest pourront aussi
vouloir défendre le roi constitutionnel, mais, Louis le sait, la partie est
inégale.
Seules les armées autrichiennes et prussiennes peuvent
briser ce mouvement. Mais elles sont étrangères.
Et le mot de patrie est la plus terrible des armes
dont disposent les sans-culottes. À l’Assemblée, Vergniaud le Girondin, en
proclamant la Patrie en danger , a prononcé un réquisitoire contre le roi,
en l’interpellant : « Non, non, s’est-il écrié, homme que la
générosité des Français n’a pu émouvoir, homme que le seul amour du despotisme
a paru rendre sensible, vous n’avez pas rempli le vœu de la Constitution !
Vous n’êtes plus rien pour cette Constitution que vous avez indignement violée,
pour ce peuple que vous avez si facilement trahi. »
Et en même temps ces Girondins hésitent à transformer leurs
paroles en actes.
Ils craignent l’anarchie. Ils se méfient de ces sections
sans-culottes comme celles des Quinze-Vingts et des Cordeliers, peuplées d’ébénistes,
de menuisiers, ouvriers et artisans, tapissiers, marbriers, verriers de la
Manufacture royale des glaces, rue de Reuilly.
Dans la section des Gravilliers, les éventaillistes, les
merciers, les charpentiers, les ciseleurs des rues Saint-Denis et Saint-Martin
sont exaltés par les prédications du prêtre Jacques Roux, un « enragé ».
Les Girondins voudraient utiliser ces forces sans-culottes
tout en les contrôlant, les retenant, ne leur lâchant la bride que pour
contraindre le roi à plier.
Mais ils rêvent donc aussi d’une trêve, d’un accord avec le
roi. Et quand, le 7 juillet, l’évêque constitutionnel de Rhône-et-Loire, Lamourette,
prêche à tous les partis la réconciliation – « Embrassez-vous », lance-t-il
–, les députés, à l’exception de quelques Montagnards, se précipitent, se
donnent l’accolade, pleurent.
Et Louis, prévenu que l’Assemblée a acclamé la formule de l’évêque :
« Haine à la République », accourt.
« Incompréhensible miracle de l’électricité, écrit un
témoin… toute l’Assemblée debout, les bras en l’air, les députés levaient leurs
chapeaux et les faisaient jouer en l’air. Les tribunes trépignaient, les voûtes
retentissaient de joie, d’applaudissements. L’ivresse avait saisi toutes les
têtes. »
Mais ce n’est qu’une illusion. La tempête se déchaîne.
L’Assemblée rétablit Pétion dans ses fonctions ! C’est
donc qu’elle approuve la journée du 20 juin, l’invasion armée des Tuileries, les
pétitions de citoyens en armes.
Louis veut montrer qu’il reste, lui, fidèle à la
Constitution.
Il se rend le 14 juillet au Champ-de-Mars, où l’on célèbre
le troisième anniversaire de la prise de la Bastille. La foule, comme un océan,
a tout recouvert. On acclame Pétion. Les huées méprisantes submergent le roi. On
lui manifeste ainsi qu’il n’est plus rien. On ne le craint plus. Il suffit de
décider de le pousser pour qu’il disparaisse.
Et des pétitions réclamant sa déchéance circulent.
La section de Mauconseil, au nord des Halles, déclare « qu’elle
ne reconnaît plus Louis XVI comme roi des Français et qu’elle s’ensevelira sous
les ruines de la liberté plutôt que de souscrire au despotisme des rois ».
Les Girondins ne pourront plus tenir, guider le peuple. Ils
ont besoin de lui et il est soulevé par le patriotisme.
On chante ces refrains « marseillais ».
« Aux armes, citoyens, formez vos bataillons… Amour
sacré de la patrie conduis, soutiens nos bras vengeurs. »
On dénonce « la horde d’esclaves, de traîtres, de rois
conjurés ».
Lorsqu’on accueille place de la Bastille les fédérés
marseillais, « les larmes coulent de tous les yeux », l’air retentit
des cris de « Vive la Nation ! », « Vive la liberté ! ».
Et cette immense vague, ces milliers de fédérés venus de tous
les cantons de la nation, est mille fois plus forte que celle qui a déjà
submergé les Tuileries, le 20 juin.
Louis a le sentiment, quand il écoute Marie-Antoinette, quand
il lit les journaux royalistes, qu’il ne partage ni leur peur ni leur haine.
Il sait que Marie-Antoinette écrit à Fersen, qu’elle lui dit :
« Hâtez si vous le pouvez le secours qu’on nous promet
pour notre délivrance. J’existe encore mais c’est
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