Révolution française Tome 1
un miracle. La journée du 20
juin a été affreuse.
Ce n’est plus à moi qu’on en veut le plus, c’est à la vie
même de mon mari, ils ne s’en cachent plus… »
Louis le pressent. Il est au bout du chemin. Et la violence,
la haine des royalistes aussi furieuse que celle des sans-culottes, ne lui
laisse aucun doute sur le peu de temps qui lui reste avant l’affrontement.
Les journaux royalistes accusent.
« Les Parisiens ont montré toute la lâcheté de leur
caractère, ils ont mis la mesure de tous leurs crimes.
Tout est coupable dans cette ville criminelle, il n’est plus
de pardon à espérer pour elle, cette ville scélérate… Vils et lâches Parisiens,
votre sentence est portée. La journée du 20 juin a comblé vos crimes. Les vengeances
s’approchent. Il vient le moment où vous voudrez au prix de vos larmes et de
votre or racheter vos forfaits, mais il ne sera plus temps ; les cœurs seront
pour vous de bronze et votre terrible punition sera un exemple qui effraiera à
jamais les villes coupables. »
Cet appel pétri de haine et de désir de vengeance, et que
publie Le Journal général de Fontenai, inquiète Louis.
Il avait sollicité Mallet du Pan d’écrire un Manifeste expliquant
les raisons de l’intervention des souverains en France. Mais Mallet du Pan a
regagné Genève, et c’est un émigré, le marquis de Limon, et l’ancien secrétaire
de Mirabeau, Pellenc, qui ont écrit le Manifeste, qui sera signé par le
duc de Brunswick, commandant les armées prussiennes.
Louis en prend connaissance le 25 juillet.
On parle en son nom. Mais c’est un général prussien qui s’exprime !
Il lit et relit ce Manifeste de Brunswick, et il
comprend que ce texte va précipiter l’affrontement. Au lieu de « terroriser »
les patriotes, il les incitera à agir, contre qui sinon d’abord contre le roi, la
famille royale et la monarchie ?
Il ressent ce Manifeste comme un acte fratricide contre
lui et sa famille.
« Les deux Cours alliées ne se proposent comme but que
le bonheur de la France, ainsi commence le Manifeste.
« Elles veulent uniquement délivrer le Roi, la Reine et
la famille royale de leur captivité…
« La ville de Paris et tous ses habitants sont tenus de
se soumettre sur-le-champ et sans délai au Roi, de mettre ce Prince en pleine
et entière liberté… »
Louis interrompt sa lecture.
Les patriotes au contraire l’emprisonneront, lui et les
siens. Ils ne se soumettront pas aux ordres de l’empereur autrichien et du roi
de Prusse.
Il lit la fin du Manifeste comme une incitation à en
finir avec le roi, et la monarchie française, puisqu’ils ne peuvent choisir qu’entre
la soumission et la mort.
« … Si le château des Tuileries est forcé ou insulté, s’il
est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs Majestés, le Roi, la
Reine et la famille royale… l’Empereur et le Roi tireront une vengeance
exemplaire et à jamais mémorable en livrant la ville de Paris à une exécution
militaire et à une subversion totale. »
Les patriotes forceront les Tuileries.
Ils couvriront d’outrages Louis et la famille royale.
Louis s’y prépare. Il est sans regret, sans colère, sans
haine.
Dieu choisit.
Les fédérés marseillais, avec à leur tête l’avocat Barbaroux,
secrétaire de la commune de Marseille, sont conviés le 30 juillet à un grand
banquet patriotique aux Champs-Elysées.
Et dans la chaleur moite de l’été orageux, une rixe éclate
entre les fédérés marseillais et les sans-culottes qui les accompagnent et des
gardes nationaux des sections des quartiers bourgeois de Paris, soutenus par
des « aristocrates ». Battus par les Marseillais, ils se réfugient
dans le château des Tuileries. L’un d’eux a été tué.
On crie « Vive la nation ! », « Mort aux
tyrans et aux traîtres ! ».
À la section des Gravilliers, on prépare une mise en
accusation de Louis XVI complice de Brunswick, et on menace les députés :
« Nous vous laissons encore, législateurs, l’honneur de
sauver la patrie ; mais si vous refusez de le faire, il faudra bien que
nous prenions le parti de la sauver nous-mêmes. »
30
Louis sent la sueur couler sur son visage.
Il est devant l’une des fenêtres des appartements royaux du
château des Tuileries. Il se tient un peu en retrait, pour ne pas être vu des
canonniers qui sont derrière leurs pièces dans la cour du château. Et il a
entendu
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