Révolution française Tome 1
répètent qu’il faut se porter en armes à l’Abbaye,
en arracher les traîtres et les passer au fil de l’épée. Et quelle folie de
vouloir faire leur procès ! Il est tout fait.
« Vous avez massacré les soldats suisses aux Tuileries,
pourquoi épargnerions-nous leurs officiers, infiniment plus coupables ! Ils
méritent d’être écartelés, comme Louis Capet et sa putain d’Autrichienne. »
Et le même sort doit être réservé aux députés, ces « gangrenés de l’Assemblée ».
Il ne faut faire confiance qu’à la Commune insurrectionnelle et au Comité de
surveillance qu’elle a créé et dans lequel siège Marat !
Et demain s’ouvre le scrutin pour élire les députés à la
Convention !
Élisons des Montagnards, chassons les Girondins ! Vive
la nation !
On patrouille toute la nuit. On contrôle les passants. On
arrête les « suspects ». On boit. On écoute ceux qui disent – et l’Anglais
Moore rapporte leurs propos :
« C’est bien terrible que les aristocrates veuillent
tuer tout le peuple en faisant sauter la ville. »
Un autre ajoute : « Il y a des chefs et des
troupes royalistes cachés dans Paris et aux environs. Ils vont ouvrir les
prisons, armer les prisonniers, délivrer le roi et sa famille, mettre à mort
les patriotes de Paris, les femmes et les enfants de ceux qui sont à l’armée. »
On brandit les piques. Les femmes hurlent.
« N’est-il pas naturel à des hommes de pourvoir à la
sûreté de leurs enfants et de leurs femmes et d’employer le seul moyen efficace
pour arrêter le poignard des assassins ? »
Les tuer ?
L’aube se lève le 2 septembre, et dès les premières heures
de la matinée on se rassemble.
Tout à coup le canon, puis le tocsin, puis les tambours. On
ferme les barrières. On affiche, on lit une proclamation de la Commune :
« Citoyens, l’ennemi est aux portes de Paris ; Verdun
qui l’arrête ne peut tenir que huit jours… Qu’une armée de soixante mille
hommes se forme sans délai. »
Vers cinq heures, des gardes municipaux à cheval portant un
drapeau parcourent les rues en criant : « Aux armes ! »
« L’ennemi approche, disent-ils. Vous êtes tous perdus.
La ville sera livrée aux flammes et au pillage. Enrôlez-vous. N’ayez rien à
craindre des traîtres et des conspirateurs que vous laissez derrière vous. Ils
sont sous la main des patriotes et la justice nationale avant votre départ va
les frapper de sa foudre. »
Les tuer ?
On dit que la Commune et son Comité de surveillance ont
libéré la nuit les prisonniers coupables de petits larcins, vols ou tricherie, et
qu’il ne reste plus dans les prisons que la lie du crime, et les ennemis des
patriotes, les prêtres réfractaires, les traîtres !
Il faut que la justice passe.
Et qui peut compter sur ce Tribunal criminel extraordinaire
créé par les « gangrenés » de l’Assemblée et qui n’a prononcé que
trois condamnations depuis le 17 août ?
On répète les paroles de Danton, ministre de la Justice, âme
de la Commune.
Il a, avec sa « voix de stentor, ses gestes d’athlète, ses
menaces », montré sa résolution :
« Le tocsin qu’on sonne n’est point un signal d’alarme,
c’est la charge sur les ennemis de la patrie… Pour les vaincre, que faut-il ?
De l’audace, et encore de l’audace et toujours de l’audace. »
« J’ai fait venir ma mère qui a soixante et dix ans, j’ai
fait venir mes deux enfants. Ils sont arrivés hier soir. Avant que les
Prussiens entrent dans Paris je veux que ma famille périsse avec moi… »
Danton lève ses deux poings à hauteur de son visage.
« C’est dans Paris qu’il faut se maintenir, par tous les
moyens. Les républicains sont une minorité infime et pour combattre nous ne
pouvons compter que sur eux. Le reste de la France est attaché à la royauté, il
faut faire peur aux royalistes. »
On l’acclame, on lève les piques.
« Oui, nous sommes de la canaille, nous sortons du
ruisseau. »
Mais la Bastille est tombée, elle est rasée.
Mais les Tuileries ont été emportées et Capet et sa famille
sont prisonniers au Temple.
« On veut nous replonger dans le ruisseau ! »
Danton secoue ses poings.
« Nous ne pouvons gouverner qu’en faisant peur… Les
Parisiens sont des jean-foutre ; il faut mettre une rivière de sang entre
eux et les émigrés. »
On commence à se rassembler devant les prisons, aux Carmes,
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