Révolution française Tome 1
des morts du 10 août. On lit sur les bannières :
Pleurez, épouses, mères et sœurs
La perte des victimes immolées par les
traîtres
Nous jurons, nous, de les venger !
Se venger, se défendre, c’est l’obsession de Marat.
Il hante l’Hôtel de Ville, interpelle les délégués des
quarante-huit sections de Paris qui constituent la Commune insurrectionnelle.
Il s’adresse à Barbaroux, l’avocat secrétaire de la Commune
de Marseille, qui a accompagné les fédérés marseillais dont le rôle a été
décisif dans la prise des Tuileries le 10 août. Ce sont eux qui ont
contre-attaqué, après l’assaut victorieux des Suisses.
« Donnez-moi, lui dit Marat, deux cents Napolitains
armés de poignards et portant à leur bras gauche un manchon en guise de
bouclier : avec eux je parcourrai la France et je ferai la révolution. »
Il faudrait, ajoute-t-il, supprimer deux cent soixante mille
hommes, mesure d’humanité qui permettrait de sauver la patrie et des millions
de citoyens.
« L’Assemblée nationale peut encore sauver la France, continue-t-il ;
il lui suffira de décréter que tous les aristocrates porteront un ruban bleu et
qu’on les pendra dès qu’on en trouvera trois ensemble. »
Il parle d’une voix posée, les yeux fixes, comme ceux d’un
prophète qui voit, qui sait, qui dit : « On peut aussi tendre des
embuscades, et les égorger. Si sur cent hommes tués il y a dix patriotes, qu’importe ?
C’est quatre-vingt-dix hommes pour dix et puis on ne peut pas se tromper :
tombez sur ceux qui ont des voitures, des valets, des habits de soie, ou qui
sortent des spectacles, vous êtes sûrs que ce sont des aristocrates. »
Ces propos terrorisent les Girondins. Car Marat dénonce
aussi les députés : des hypocrites, des traîtres qui n’ont accepté la
révolution du 10 août que par peur. Mais « ils sont des suppôts du despotisme
et ces traîtres à la patrie machineront éternellement sa perte »…
Roland, ministre de l’intérieur, intervient à l’Assemblée, déclare
la Commune insurrectionnelle illégale. Et les députés votent la dissolution de
la Commune le 31 août. Mais la Commune refuse de plier. Elle est le pouvoir de
fait. C’est elle qui est la voix du patriotisme qui enflamme les sans-culottes,
car la patrie est en danger. Alors que Roland, et les ministres girondins – Clavière,
Servan – veulent toujours fuir à Blois, Danton s’écrie :
« Une partie du peuple va se porter aux frontières, une
autre va creuser des retranchements et la troisième avec des piques défendra l’intérieur
des villes… »
Et c’est au son du canon et des tambours, que les jeunes
gens s’enrôlent en chantant :
Mourir pour la patrie
Est le sort le plus beau
Le plus digne d’envie.
32
Ce 1 er septembre 1792, et alors que les
volontaires parisiens marchent vers les frontières, on dit à Paris que les
Prussiens ont investi la ville de Verdun.
Si elle tombe entre leurs mains, la route de Paris sera
ouverte, et le duc de Brunswick a répété que la ville sera soumise à « une
exécution militaire » et qu’on égorgera tous les patriotes, que ce sera « la
Saint-Barthélemy des sans-culottes ».
Ils se sont rassemblés aux carrefours.
Les femmes entourent les porteurs de sabres et de piques.
Un homme monté sur la borne brandit une brochure, qu’on
distribue : « Grande trahison de Louis Capet. Complot découvert pour
assassiner dans la nuit du 2 au 3 de ce mois tous les bons citoyens. »
On assure que dans les prisons, celle des Carmes, rue de
Vaugirard, à l’Abbaye, près de Saint-Germain-des-Prés, au séminaire
Saint-François, rue Saint-Victor, où l’on entasse des suspects, à la
Conciergerie, à la Salpêtrière, à la Grande et à la Petite Force, rue
Saint-Antoine, à Bicêtre, au sud de Paris, les prêtres réfractaires, les aristocrates,
les Suisses et les assassins détenus sont armés, vont se répandre dans Paris, empêcher
toute défense contre les Prussiens.
On écoute les crieurs de journaux patriotes, L’Ami du
peuple, Les Révolutions de Paris, L’Orateur du peuple de Fréron. Ce dernier,
plus sans-culotte même que le journal de Marat, comme si Stanislas Fréron, fils
de l’ennemi de Voltaire, voulait faire oublier son ascendance et être le plus
pur des patriotes, l’égal de Robespierre et de Camille Desmoulins, dont il fut
le condisciple au collège Louis-le-Grand.
Et les crieurs
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