Révolution française Tome 1
émissaires chargés de
corrompre les ministres anglais afin que l’Angleterre reste en dehors du
conflit !
Discours guerriers d’un côté, à la tribune de la Convention
et à celle des Jacobins, et tractations secrètes de l’autre.
Et Danton qui condamne les rois, et se présente comme l’un
des fondateurs de la République, dit à Louis-Philippe, ci-devant duc de
Chartres, fils de Philippe Égalité ci-devant duc d’Orléans :
« Renfermez-vous dans votre métier de soldat sans vous
occuper de nos actes et sans faire de la politique… Emportez ces conseils à l’armée ;
ils sont dictés par un intérêt sincère. Gravez-les dans votre mémoire et
réservez votre avenir. »
Louis-Philippe, en entendant Danton, l’a regardé étonné :
le conventionnel Danton, le ministre de la République, lui fait comprendre que
ce régime sera provisoire, et que la monarchie demain peut renaître avec un roi
issu des Orléans !
Marat, hanté par l’idée de complots aristocratiques, pressent
cette ambiguïté, ce double jeu de Danton, comme l’étrange conduite des
opérations par Dumouriez après Valmy. Et il condamne l’amitié des Girondins
pour le général.
La plupart des ministres et des députés sont à ses yeux des
suspects. Et Marat l’écrit. Dénonçant la politique équivoque de Dumouriez, il
prophétise : « Cent contre un que Dumouriez s’enfuira avant la fin de
mars prochain. »
Il lui reproche d’accuser des volontaires parisiens qui ont,
à Rethel, massacré quatre émigrés français qui avaient déserté les rangs
prussiens.
Ces volontaires commandés par l’entrepreneur Palloy – le « démolisseur
de la Bastille » – sont désarmés, conduits sous escorte à la forteresse de
Cambrai. Et la Convention approuve ces mesures.
« Il y a un dessous des cartes dont il faut connaître
le fond », dit Marat à Dumouriez.
Il rencontre le général à Paris, à une soirée donnée chez
Talma, le comédien. Marat, dans les salons de l’hôtel particulier de la rue
Chantereine, croise une « douzaine de nymphes légèrement vêtues »
dont la présence doit distraire le général et les autres invités.
Marat, le visage crispé par un sourire méprisant, toise
Dumouriez, poursuit :
« Qui persuadera-t-on que douze cents hommes, des
volontaires patriotes, se livreraient à des excès sans motifs ? On dit que
les prisonniers massacrés étaient des émigrés. »
« Eh bien, Monsieur, quand ce seraient des émigrés ? »
répond Dumouriez.
« Les émigrés sont des rebelles à la patrie, et vos
procédés envers les bataillons parisiens sont d’une violence impardonnable. »
« Oh, vous êtes trop vif, Monsieur Marat, pour que je
parle avec vous », dit Dumouriez en s’éloignant.
Marat voit les sourires, entend les ricanements des invités.
L’un d’eux – un acteur – fait le tour de la salle avec une
cassolette de parfums et « purifie » les endroits où Marat est passé.
Et la fête reprend.
Marat est persuadé qu’une « machination secrète est
tramée par Dumouriez et la clique girondine ».
Le massacre des quatre déserteurs émigrés par des
volontaires parisiens n’est que l’un des engrenages du « complot »
qui vise à isoler, à déconsidérer les sans-culottes parisiens, qui sont la « pique »
de la Révolution.
D’un côté, on fait adopter, voter par la Convention, un
décret qui indique que les émigrés capturés les armes à la main sont hors la
loi, et doivent être exécutés dans les vingt-quatre heures.
Et de l’autre, on désarme le bataillon de volontaires qui a
fait justice de quatre émigrés qui avaient combattu aux côtés des Prussiens !
Double jeu à nouveau ! s’écrie Marat.
Il dénonce la volonté de la majorité de créer une garde
fédérale pour la Convention, composée de fédérés qui dans les départements
seront « triés » par les Girondins. Et les premiers arrivés ont déjà
manifesté en criant qu’il fallait mettre les têtes de Marat, de Danton et de
Robespierre au bout d’une pique. Et on a même entendu scander : « Pas
de procès au roi. »
Voilà le complot qui veut étrangler la République !
Marat tente de se faire entendre.
Il demande la parole, mais lorsqu’il monte à la tribune de
la Convention, on l’insulte. On dénonce « cet agitateur dont le nom seul
fait frémir d’horreur ».
Marat est un « porc-épic » qu’on ne peut
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