Révolution française Tome 1
la mise
en accusation de Marat, se contentera de ses explications et « passera à l’ordre
du jour ».
Mais on n’oubliera rien de ce premier débat de la Convention.
Rancœurs, rancunes, humiliations, haines : ces députés
qui, unanimes, ont « aboli la royauté pour la France » et proclamé « la
République une et indivisible », s’infligent des blessures d’amour-propre
qui enveniment, exacerbent les oppositions politiques.
Maximilien Robespierre, vexé par l’accueil presque méprisant
de la Convention, s’est réfugié dans la maison des Duplay.
Il est, comme chaque fois qu’il est soumis à une tension
trop forte, malade, la tête percée de migraines. Madame Duplay et ses filles
Élisabeth et Éléonore, mais aussi Charlotte, la sœur cadette de Maximilien qui
s’est installée chez les Duplay, « l’entourent de mille soins délicats. Il
est excessivement sensible à toutes ces sortes de choses dont les femmes seules
sont capables ».
Et Charlotte, qui le note, s’en irrite. « Je résolus de
tirer mon frère de ces mains et pour y parvenir je cherchai à lui faire
comprendre que, dans sa position et occupant un rang aussi élevé dans la politique,
il devait avoir un chez-lui. »
Augustin Robespierre qui, à vingt-quatre ans, vient d’être
élu à la Convention grâce à l’influence et à la notoriété de Maximilien, s’est
lui aussi installé chez les Duplay, dans un appartement non meublé sur la rue
du Faubourg-Saint-Honoré.
Maximilien, ainsi, a perdu le havre de tranquillité que lui
offraient les Duplay.
Le revoici dans sa « famille d’Arras », cédant à
Charlotte, s’installant avec elle, rue Saint-Florentin non loin de la
Convention, regrettant aussitôt les Duplay.
« Ils m’aiment tant, confie-t-il, ils ont tant d’égards,
tant de bonté pour moi qu’il y aurait de l’ingratitude à les repousser. »
Et finalement il retourne chez les Duplay, laissant
Charlotte ulcérée, persuadée que Madame Duplay rêve de marier sa fille Éléonore
à Maximilien. Celui-ci se dérobe et Charlotte incite Augustin à se déclarer, à
épouser Éléonore.
Mais la vie privée des deux frères est emportée par le
torrent impétueux de la Révolution, auquel aucun de ceux qui jouent un rôle ne
peut échapper.
Marat, qui a évité l’acte d’accusation, enrage contre ces
députés, ses collègues.
Ce ne sont à l’entendre que des « cochons », des « bourgeois »,
des « trembleurs », des « imbéciles ».
« À voir la trempe de la plupart des députés à la
Convention nationale je désespère du salut public », lance-t-il.
On crie : « À bas Marat ! »
Il siège, sur un banc isolé, car qu’on soit de la Gironde, de
la Montagne ou de la Plaine, personne ne veut s’afficher à ses côtés. On
méprise son accoutrement, ces sortes de turbans dont il s’enveloppe, son teint
bistre. On éprouve du dégoût pour sa maladie de peau.
Il répond coup pour coup :
« Je rappelle mes ennemis personnels à la pudeur. Je
les exhorte à s’interdire des clameurs furibondes et des menaces indécentes
contre un homme qui a servi la liberté et eux-mêmes plus qu’ils ne le pensent. »
Il inquiète. Il soupçonne déjà Danton d’être un corrompu, attiré
par le plaisir. « Il me faut des femmes », avoue Danton.
Et surtout, Danton soutient le général Dumouriez qui, au
lieu de poursuivre et d’écraser les vaincus de Valmy, négocie avec le duc de
Brunswick un retrait paisible des troupes prussiennes !
Et Danton est tenu jour après jour au courant de la
négociation, puisqu’il a délégué auprès de Dumouriez l’un de ses proches, l’ancien
écuyer du comte d’Artois, le colonel Westermann, commandant de la région du
Nord.
Danton se méfie donc de Marat, même s’il sait que ses
principaux ennemis sont les Girondins, cette Manon Roland qui le poursuit de sa
haine, peut-être simplement parce qu’il n’a pas paru sensible à ses charmes, et
qu’elle est une séductrice impérieuse, imposant ses idées à son époux, à
Barbaroux, à Brissot, à l’état-major girondin.
Et lorsque, le 29 septembre, la Convention décide que les
ministres ne peuvent être choisis parmi les députés – façon d’exclure Danton de
son poste de ministre de la Justice – mais que les Girondins demandent que la
mesure ne s’applique pas au ministre de l’intérieur Roland, Danton s’étonne, se
moque, blesse à jamais les
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