Révolution française Tome 1
roi a versé des
centaines de milliers de livres…
« Et toi Roland ? » crie quelqu’un depuis les
tribunes.
On soupçonne le ministre girondin d’avoir fait disparaître
des papiers le concernant et compromettants pour ses amis Brissot, Vergniaud, d’autres
encore.
« Mirabeau, reprend-il, et Barnave, et Talleyrand. »
« Leurs têtes au bout de nos piques ! »
Et on scande : « Marat, Marat », car L’Ami
du peuple avait dénoncé tous ces complices de la Cour.
La Convention décrète alors que quiconque proposera de « rétablir
en France les rois ou la royauté sous quelque dénomination que ce soit sera
puni de mort ! ».
Et Robespierre fait briser le buste de Mirabeau au club des
Jacobins, et aussi celui d’Helvétius, ce persécuteur de Jean-Jacques Rousseau.
Un cortège de sans-culottes, hurlant des cris de vengeance, réclamant
la mort pour le « gros cochon, sa putain, et toute leur descendance car la
progéniture des tyrans ne saurait survivre », s’en va brûler le buste de
Mirabeau en place de Grève.
Lorsque Robespierre, le 3 décembre, dit de sa voix aiguë :
« Louis a été détrôné par ses crimes… la victoire et le peuple ont décidé
que lui seul était rebelle, il est déjà jugé, il est condamné ou la République
n’est point absoute », chacun pense à l’armoire de fer, à ces lettres de
Louis XVI, appelant à l’aide les armées des tyrans afin qu’elles châtient son
peuple.
« Louis a dénoncé le peuple français comme rebelle… reprend
Robespierre.
« Je prononce à regret cette fatale vérité, mais Louis
doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive ! »
Les Montagnards voudraient que la sentence contre le roi
soit prononcée sans débat, parce qu’il est « le seul rebelle »
puisque le peuple a été victorieux.
Au contraire :
« L’Assemblée nationale décrète qu’elle s’occupera tous
les jours depuis midi jusqu’à six heures du procès de Louis XVI. »
Et Louis Capet sera traduit à la barre de la Convention pour
entendre la lecture de l’acte énonciatif de ses crimes et y répondre.
Et déjà, avant même qu’il soit entendu, la mort s’avance
parce que le verdict est inéluctable :
« Qu’arrivera-t-il, s’écrie l’abbé Grégoire, si au
moment où les peuples vont briser leurs fers, vous assurez l’impunité à Louis
XVI ?… Les despotes saisiraient habilement ce moyen d’attacher encore
quelque importance à l’absurde maxime qu’ils tiennent leur couronne de Dieu. »
Il ne s’agit plus seulement comme le disait Robespierre de
sauver la patrie.
Louis doit mourir parce qu’il faut que le principe de la
révolution vive et que tous les trônes de tous les tyrans de « droit divin »
soient emportés par le vent qui s’est levé à Paris.
Il faut, conclut Robespierre, « graver profondément
dans le cœur du peuple le mépris de la royauté et frapper de stupeur tous les
partisans du roi ».
Louis n’ignore rien du sort qui l’attend.
Le 7 décembre, en le déshabillant avec des gestes lents, précautionneux,
comme s’il s’agissait de retirer les pansements qui protègent une plaie,
Cléry murmure à son maître que le procès commencera dans quatre jours, que
Louis sera conduit à la Convention pour y être interrogé et qu’à compter de l’ouverture
du procès, le roi ne serait plus autorisé à voir les siens.
Louis baisse un peu plus la tête, comme s’il offrait sa
nuque au couperet.
Il sait qu’il va affronter la guillotine. Et tout ce qui
précède et qu’il va devoir subir, lui paraît indifférent.
La mort est au bout. Et seule elle compte.
Il n’est pas surpris quand, le mardi 11 décembre, il est
réveillé à cinq heures du matin par les tambours qui battent la générale, cependant
que des détachements de cavalerie entrent dans les jardins du Temple.
C’est le jour de la comparution devant la Convention, celui
du dernier déjeuner pris en compagnie des siens.
Les gardes municipaux veillent et on ne peut parler
librement, parce que les gardiens sont aux aguets.
Après, Louis s’attarde à jouer avec son fils, mais on le lui
retire, on le conduit chez Marie-Antoinette.
Il faut attendre seul l’arrivée, vers une heure, du nouveau
maire de Paris, le docteur Chambon, accompagné du procureur de la Commune.
Le maire lit le décret convoquant Louis Capet afin de
témoigner devant la Convention :
« Capet n’est pas mon nom,
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