Révolution française Tome 1
suédois, rencontré
à un bal masqué de l’Opéra, en 1774, de l’avoir retrouvé en 1778, toute
troublée, toute séduction, ne cachant même pas l’attirance pour ce comte Axel
Fersen, parti, avec l’armée de Rochambeau, aider les Insurgents d’Amérique.
Le climat a donc changé. Un dauphin, l’argent facile grâce
aux emprunts et aux habiletés de Calonne.
Et puis, la victoire des troupes françaises et des Insurgents contre les Anglais à Yorktown ; et plus de sept mille tuniques rouges qui
se rendent !
Gloire à l’armée du roi, fête à Paris pour célébrer le « héros
des Deux Mondes ». La Fayette, rentré en janvier 1782, est fait maréchal
de camp. Feu d’artifice, traité de Versailles avec l’Angleterre en 1783, revanche
de celui de Paris en 1763.
Le roi a-t-il jamais été aussi populaire ?
Benjamin Franklin le célèbre comme « le plus grand
faiseur d’heureux qu’il y ait dans ce monde ».
Et plus encore on associe le roi à cette Révolution de l’Amérique qu’exalte dans ce livre l’abbé Raynal.
Qui pourrait dissocier Louis XVI qui a permis la victoire
des Insurgents , et la politique de réforme ?
Ce roi-là est bon.
On le voit, dans les villages qu’il traverse ou visite, faire
l’aumône aux paysans misérables, accorder à certains d’entre eux une pension à
vie.
Car la faim et le froid tenaillent le pays dans ces hivers
1783-1785.
Les fermages ont augmenté, parce que la monnaie a été en
fait dévaluée. Le pain est cher. Les pauvres sans domicile allument de grands
feux dans les rues de Paris, autour desquels ils se pressent.
Des émeutes de la faim éclatent ici et là.
Mais lorsque Louis, en juin 1786, se rend à Cherbourg pour
visiter la flotte royale, il est salué avec ferveur tout au long du voyage.
On s’agenouille devant lui, on l’embrasse.
« Je vois un bon roi et je ne désire plus rien en ce
monde », dit une femme.
Louis invite la foule qui se presse à avancer : « Laissez-les
s’approcher, dit-il, ce sont mes enfants. »
On crie « Vive le roi ! » et il répond « Vive
mon peuple ! Vive mon bon peuple ! ».
On récite des vers qui le louent, on les grave sur le socle
des statues.
Les uns s’adressent :
À Louis Homme
Ce faible monument aura faible existence
Tes bontés ô mon Roi dans ces temps de
rigueur
Bien mieux que sur l’airain ont mis au fond
du cœur
Un monument certain, c’est la reconnaissance.
D’autres vers rappellent que Louis, jeune roi, a déjà
accompli des « miracles » :
Louis de son domaine a banni l’esclavage
À l’Amérique, aux mers, il rend la liberté
Ses lois sont des bienfaits, ses projets
sont d’un sage
Et la gloire le montre à l’immortalité.
Louis est ému jusqu’aux larmes. Il écrit à Marie-Antoinette :
« L’amour de mon peuple a retenti jusqu’au fond de mon
cœur. Jugez si je ne suis pas le plus heureux roi du monde. »
Mais parfois, quand il découvre dans ses propres
appartements un pamphlet visant la reine, ce bonheur qu’il a ressenti devant
les signes d’affection que lui manifeste le peuple s’émiette.
On accuse Marie-Antoinette d’avoir renoué avec le comte
Fersen rentré d’Amérique avec les troupes françaises. On la soupçonne d’infidélité.
On se demande si les enfants dont elle a accouché – un second fils naîtra en
1785, et une fille en 1787 – sont issus du roi, ou de ce beau Fersen. Et elle a
obtenu du roi qu’il attribue à Fersen le commandement d’un régiment étranger, le
Royal Suédois, et le « bon » Louis XVI a aussitôt accepté, et accordé
à Fersen une pension de vingt mille livres.
Louis cependant ne regrette ni ses largesses ni même ses complaisances.
Marie-Antoinette est la reine, la mère du dauphin.
II connaît les penchants de son épouse : fête, bijoux, châteaux.
Il les accepte.
Elle dispose de Trianon. Il lui achète, à sa demande
pressante, le château de Saint-Cloud.
Et l’on s’en prend à cette Autrichienne, Madame Déficit ,
qui ruine le royaume.
Mais elle est la reine, a-t-il parfois envie de s’écrier.
Et il veut prendre sa défense, la protéger des calomniateurs.
II apprend avec effarement et un sentiment d’indignation que
le cardinal de Rohan, grand aumônier de la Cour, en froid avec la reine, prétend
avoir acheté, pour se réconcilier avec elle, au joaillier Böhmer, un collier de
un million six cent mille livres.
Le cardinal assure
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