Révolution française Tome 1
qu’il a reçu des lettres de la reine, lui
demandant de faire cet achat s’il veut se réconcilier avec elle, qu’il l’a même
rencontrée une nuit dans les bosquets du parc du château de Versailles !
Louis est scandalisé.
Le récit suggère que la reine était prête à des
complaisances en faveur de Rohan – dupe et victime d’une comtesse de La
Motte-Valois, qui s’est approprié le collier –, afin d’obtenir l’achat du
collier !
Affaire ténébreuse, dont Louis pressent qu’elle va achever
de ternir la réputation de Marie-Antoinette.
Les jaloux, les rivaux, les ennemis de la monarchie et les
adversaires des réformes qu’on soupçonne Calonne de préparer vont se liguer, répandre
les rumeurs.
Mais Louis ne cède pas, ordonne l’arrestation du cardinal de
Rohan qui sera emprisonné à la Bastille, avant d’être jugé par le Parlement.
Le roi a laissé à Rohan le choix de cette procédure
parlementaire. Autant pour le roi choisir des adversaires comme juges ! Car
les parlementaires veulent empêcher le roi de rogner leurs droits et avantages,
et disculper Rohan – dont la famille est l’une des plus illustres du royaume – c’est
condamner la reine, et donc affirmer que le Parlement a le droit de la juger, comme
il pourrait aussi, dès lors, juger le roi.
Et c’est aux cris de « Vive le Parlement !, Vive
le cardinal innocent ! » que la foule accueille le verdict qui « décharge
le cardinal de Rohan des plaintes et accusations ».
La comtesse de La Motte-Valois est elle condamnée à être
incarcérée et marquée au fer rouge, mais elle s’enfuira à Londres où elle
retrouvera le « magicien Cagliostro », mêlé à l’affaire.
À la Cour, dans les estaminets, les salons, parmi les grands
ou les poissardes, on se félicite du verdict, on fustige la reine, sur qui l’on
déverse des tombereaux de ragots et de calomnies.
Et par là même c’est toute la monarchie qui est atteinte.
On condamne l’impiété et la licence de ces « abbés et
évêques de cour », tel Rohan, même si on juge le cardinal victime de l’arbitraire.
Il a été libéré de la Bastille, mais démis de sa charge de
grand aumônier de la Cour et exilé dans son abbaye de La Chaise-Dieu.
On évoque les escroqueries, les spéculations organisées par
les Orléans afin d’accroître leur patrimoine immobilier au Palais-Royal.
On raconte que le duc de Chartres, fils du duc d’Orléans, organise
dans sa maison de Monceau des soirées libertines, des soupers en compagnie de
filles nues.
C’est une vague de réprobation, d’indignation, où se mêlent
vérité et calomnies, qui déferle après l’affaire du collier de la reine.
« Grande et heureuse affaire, commente-t-on. Un
cardinal escroc ! La reine impliquée dans une affaire de faux ! Que
de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de
liberté ! Quelle importance pour le Parlement ! »
La reine est accablée. Elle se sent outragée, « victime
des cabales et des injustices ».
Elle soupçonnait, depuis les premiers jours de son arrivée à
Versailles, qu’elle aurait de la peine à se faire accepter, aimer. Elle en est
désormais, et jusqu’au dégoût, persuadée.
« Un peuple est bien malheureux, dit-elle en pleurant, d’avoir
pour tribunal suprême un ramassis de gens qui ne consultent que leurs passions
et dont les uns sont susceptibles de corruption et les autres d’une audace qu’ils
ont toujours manifestée contre l’autorité et qu’ils viennent de faire éclater
contre ceux qui en sont revêtus. »
Elle essaie d’oublier, multiplie les fêtes, les bals, elle
répète le rôle de Rosine dans Le Barbier de Séville ,
qu’elle compte interpréter dans son théâtre. Et elle ne
prête pas attention au fait que Beaumarchais est l’un des adversaires de cette
autorité qu’elle incarne.
« Mais dans ce pays-ci, les victimes de l’autorité, ont
toujours l’opinion pour elles », assure la fille de Necker, qui vient d’épouser
le baron de Staël.
Au vrai, la situation est plus critique encore que ne le
révèlent l’acquittement du cardinal de Rohan, les rumeurs et les pamphlets qui
couvrent la reine – et donc la monarchie – d’opprobre.
Le 20 août 1786, Calonne est contraint d’annoncer au roi que
la banqueroute est aux portes, qu’il faut donc rembourser les dettes si l’on
veut l’éviter.
Le déficit se monte à cent millions de
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