Révolution française Tome 1
représentants de la nation le premier fonctionnaire public, le premier
sujet de la loi, comme réfractaire aux lois constitutionnelles qu’il a juré de
maintenir et comme autorisant à la désobéissance et à la révolte… ».
Le lendemain, 18 avril, Louis décide de se rendre au château
de Saint-Cloud.
La foule s’est rassemblée place Louis-XV et jusque sur la
route du château.
Quand le roi et la famille royale sortent en carrosse de la
cour des Tuileries, on crie, on hurle. Les brides des chevaux sont saisies.
Les gardes nationaux refusent d’obéir à Bailly et à La
Fayette qui ordonnent de laisser le passage au roi.
« Nous ne voulons pas qu’il parte ! Nous faisons
serment qu’il ne partira pas ! »
On accuse Louis XVI de préparer sa fuite.
Il s’étonne qu’après avoir donné la liberté à la nation, « je
ne fusse pas libre moi-même ».
Il reste dans son carrosse plus d’une heure et demie, puis
il en descend.
« On ne veut pas que je sorte ? Il n’est donc pas
possible que je sorte ? Eh bien je vais rester ! »
Le lendemain, il se rend à l’Assemblée protester contre ce
coup de force.
Il prête serment de nouveau à la Constitution dont, dit-il, « la
Constitution civile du clergé fait partie ».
Il charge les ambassadeurs de déclarer aux souverains auprès
desquels ils représentent le roi qu’il est libre…
Mais Louis envoie secrètement des lettres qui confirment son
opposition à ces textes et la contrainte qu’il subit.
Mensonge ?
Louis doit aux siens, à sa fonction, à son royaume, cette
duplicité.
C’est son droit de souverain d’agir selon ce que lui dictent
ses principes.
Mais il est désormais résolu à quitter cette prison des
Tuileries. Il reçoit le fils du marquis de Bouillé. Et Fersen prépare, en
relation avec le marquis, les conditions de la fuite en direction de Montmédy.
Louis s’inquiète des propos de Marat qui dénonce un « prince
hypocrite révolté contre la nation… Vous seriez, Parisiens, vous seriez les
bourreaux de trois millions de vos frères si vous aviez la folie de lui
permettre de s’éloigner de vos murs… ».
Mais les jeux sont faits.
Le 18 juin 1791, Louis XVI dénonce à Bailly les « malveillants »
qui répandent le bruit de son enlèvement.
Le 19 juin, Marie-Antoinette fait parvenir un courrier à
Mercy-Argenteau, le gouverneur autrichien à Bruxelles :
« Tout est décidé, nous partons lundi 20 à minuit. Rien
ne peut plus déranger ce plan. Nous exposerions tous ceux qui nous servent dans
cette entreprise, mais nous sommes fâchés de ne pas avoir la réponse de l’empereur. »
23
Il est à peine minuit passé de dix minutes, ce mardi 21 juin
1791, quand Louis, vêtu comme un valet de chambre d’une redingote brune
peluchée et portant perruque et chapeau rond galonné, monte dans une « citadine »,
cette voiture de ville qui attend, rue Saint-Honoré, non loin du château des
Tuileries.
Il vient de sortir seul par la grande porte sans que tes
factionnaires prêtent attention à cette silhouette débonnaire commune de
domestique.
L’un des souliers du roi s’est défait et Louis l’a remis
sans hâte. Dans la voiture il trouve ses deux enfants, le dauphin Louis, âgé de
six ans, et Madame Royale – Marie-Thérèse – qui a treize ans. Is sont
accompagnés de leur gouvernante, Madame de Tourzel.
Il y a aussi la jeune sœur du roi, Madame Élisabeth, d’à
peine vingt-sept ans.
Le comte Fersen, qui a préparé la fuite de la famille royale,
« jouait parfaitement le rôle de cocher de fiacre, sifflant, causant avec
un soi-disant camarade qui se trouvait là par hasard, et prenant du tabac dans
sa tabatière ».
Il faut attendre la reine qui, comme Louis, a fait mine de
se coucher selon le rituel habituel.
Puis elle a revêtu une robe austère de gouvernante, et elle
rejoint la citadine vers minuit trente. Elle a croisé la voiture de La Fayette
sans que celui-ci la reconnaisse sous son déguisement.
« Dès que la reine fut montée dans la voiture, raconte
Madame de Tourzel, Louis la serre dans ses bras, l’embrassant et répète “que je
suis content de vous voir arrivée”. »
La citadine peut alors rouler jusqu’à la barrière
Saint-Martin, à l’entrée de la route de Metz, où l’attend une grosse berline
vert foncé, aux immenses roues jaunes, aux nombreux coffres et que surveillent
trois fidèles gardes du corps.
La
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