Révolution française Tome 1
famille royale et Madame de Tourzel prennent place à son
bord.
La berline a été construite en vue de cette fuite. Elle est
confortable, capitonnée de velours blanc, munie de « vases de nécessité »
prévus pour les longs voyages.
Fersen va la conduire jusqu’au premier relais à l’orée de la
forêt de Bondy. Là, à la demande de Louis, il est entendu qu’il quittera les
fugitifs, qui sont déjà en retard d’une heure et demie sur l’horaire établi
entre Fersen et le marquis de Bouillé, l’homme qui a maté la révolte de la
garnison de Nancy.
La route est longue.
On va se diriger vers Montmirail, Châlons-sur-Marne, Sainte-Menehould,
Clermont-en-Argonne, Varennes, un petit village sur la rivière l’Aire.
De là on gagnera Montmédy, but du voyage, non loin de la
frontière avec la Belgique, territoire impérial. Et là, attendent dix mille
soldats autrichiens qui, si nécessaire, pourront prêter main-forte à Louis XVI.
Mais le roi compte que la menace suffira.
D’ailleurs, il disposera des troupes du marquis de Bouillé
qui a placé des hussards, des dragons, des cavaliers du Royal-Allemand, en
plusieurs points, après Châlons-sur-Marne. Ils sont chargés de protéger la
famille royale, et de couper les communications avec Paris.
Les soldats ignorent qu’ils devront escorter le roi et
famille. On leur a expliqué qu’ils attendent un « trésor » destiné au
paiement de la solde des régiments de la frontière.
Le marquis de Bouillé et ses officiers – le comte de
Choiseul, le colonel de Damas – ne sont pas sûrs de l’état d’esprit de ces sept
cent vingt-trois hommes qui pourraient refuser d’obéir, si la population, les
municipalités manifestaient leur opposition au roi.
La seule manière d’éviter cette « fermentation », cette
rébellion, c’est de faire vite.
Or, à Montmirail, la berline qui a été rejointe par un
cabriolet où ont pris place les deux femmes de chambre de la reine a déjà trois
heures de retard sur l’horaire prévu.
Il est onze heures, ce mardi 21 juin.
On sait à Paris, depuis plus de trois heures, que le roi s’est
enfui.
C’est à sept heures que Lemoine, le valet de chambre du roi,
a constaté que Louis n’était plus dans son lit et que la famille royale avait
disparu. Il a donné l’alerte et dès huit heures la nouvelle est connue dans
tout Paris.
L’Assemblée se réunit, présidée par Alexandre de Beauhamais.
On découvre une Déclaration adressée à tous les Français ,
que le roi a laissée en évidence dans sa chambre.
Louis s’y plaint de tous les outrages subis. Seule
récompense de ses sacrifices : « la destruction de la royauté, tous
les pouvoirs méconnus, les propriétés violées, la sûreté des personnes mise
partout en danger, une anarchie complète ».
Il dénonce ces « Sociétés des Amis de la Constitution, une
immense corporation plus dangereuse qu’aucune de celles qui existaient
auparavant… Le roi ne pense pas qu’il soit possible de gouverner un royaume d’une
aussi grande étendue et d’une aussi grande importance que la France par les
moyens établis par l’Assemblée nationale ».
Et Louis XVI invite les habitants de sa « bonne ville »
de Paris, tous les Français, à se méfier des « suggestions et des
mensonges de faux amis ; revenez à votre roi, il sera toujours votre père,
votre meilleur ami ; quel plaisir n’aura-t-il pas à oublier toutes ses
injures personnelles et de se revoir au milieu de vous, lorsqu’une Constitution
qu’il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que
le gouvernement sera établi sur un pied stable… et qu’enfin la liberté sera
posée sur des bases fermes et inébranlables ».
« Tout Paris est en l’air. »
On s’indigne. L’Assemblée siège en permanence. Le club des
Cordeliers lance une pétition en faveur de la République.
On brise les bustes du roi, on macule son nom, tout ce qui
rappelle la royauté.
Louis a donc menti.
On se souvient de ce qu’écrivait Marat, dans L’Ami du
peuple. On se rappelle qu’un nouveau journal, Le Père Duchesne , avait
affirmé dès février que « la femme Capet veut se faire enlever avec le
gros Louis par La Fayette et les chevaliers du poignard ».
On se scandalise, que ce même La Fayette, suivi par la
majorité des députés, évoque « les ennemis du roi enlevant le roi ».
Robespierre s’insurge contre ce conte de
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