Révolution française Tome 1
Constitution, tu vas
promettre monts et merveilles. On veut encore te foutre la couronne sur ta tête
de cerf, mais non, foutre, ça ne sera pas ! D’un bout à l’autre de la
France il n’y a qu’un cri contre toi, contre ta foutue Messaline, contre toute
ta bougre de race. Plus de Capet, voilà le cri de tous les citoyens… Nous te foutrons
à Charenton et ta garce à l’hôpital. »
Sur la route, la berline a déjà quatre heures de retard à
Châlons-sur-Marne.
Les dragons du marquis de Bouillé se sont repliés.
Les paysans armés de piques et de bâtons, la garde nationale
avec des fusils, les ont entourés, inquiets de la présence de ces troupes.
À huit heures moins cinq du soir, au relais de
Sainte-Menehould le maître de poste Drouet, qui a servi à Versailles dans les
dragons, croit reconnaître la reine, qu’il a souvent vue, et le roi, en la personne
de ce valet de chambre dont le profil ressemble à celui gravé sur les écus et
frappé sur les assignats.
Il observe, il doute, il se tait, laisse la grosse berline
et le cabriolet repartir.
Il est huit heures dix, ce mardi 21 juin.
Et tout à coup deux courriers, qui traversent
Sainte-Menehould. Ils arrivent de Paris. Ils annoncent la fuite du roi.
Les dragons ne les ont pas arrêtés.
Drouet s’élance avec un autre ancien dragon, Guillaume.
Ils passent à Clermont-sur-Argonne, où les hussards au lieu
d’escorter les voitures royales ont crié avec les paysans : « Vive la
nation ! », et ont refusé d’exécuter les ordres concernant ces
voitures suspectes, cette berline énorme, pleine comme un œuf sans doute d’émigrés.
Les hussards sont désarmés, et Drouet et Guillaume, par des
chemins de traverse qui sinuent dans la forêt, gagnent Varennes-en-Argonne, où
ils découvrent la berline à l’arrêt dans le haut du village. Ils avertissent le
procureur-syndic, l’épicier Sauce, le décident à établir une barricade sur le
pont qui enjambe l’Aire. Les voitures arrivent, s’immobilisent.
Le procureur exige que les voyageurs descendent, entrent
chez lui. Le tocsin sonne. Les paysans, la garde nationale se rassemblent. Le
procureur est allé chercher le juge Destez qui a vécu à Versailles.
Pendant ce temps, Drouet compare le visage du valet de
chambre avec le profil royal figurant sur les monnaies.
« C’est le roi, dit-il, qui d’autre d’ailleurs aurait
eu le pouvoir de rassembler autant de troupes ! »
« Si vous pensez que c’est votre roi, vous devriez au
moins le respecter davantage », s’écrie la reine.
Voici le juge.
Il avance dans la petite pièce envahie par la foule.
Et brusquement, il se jette à genoux : « Ah !
Sire ! » s’exclame-t-il.
Louis hésite, se lève.
« Eh bien oui, je suis votre roi. Voici la reine et la
famille royale. »
Il embrasse le procureur-syndic, le juge-syndic puis tous
ceux qui l’entourent.
Il est minuit et demi, le mercredi 22 juin.
Lorsque cent cinquante hussards arrivent à Varennes, il est
trop tard.
Les paysans occupent la rue. La garde nationale a mis deux
canons en batterie. Drouet lance : « Vous n’aurez le roi que mort. »
Les hussards se replient, menacés d’être pris entre deux
feux, et les femmes sur l’ordre de Drouet sont remontées dans les maisons et
sont prêtes à lapider les soldats.
« Les hussards confèrent ensemble, raconte Drouet, et l’instant
d’après viennent se jeter dans les bras de la garde nationale. Leur commandant
s’est échappé. »
On crie : « Vive la nation ! »
« Ils eurent bien tort de céder si facilement, conclut
Drouet, les canons dont on les menaçait n’étaient pas chargés. »
Mais de tous les villages voisins, des paysans armés de faux,
de piques, de fusils et de bâtons arrivent, éclairés par des torches.
Le tocsin de toutes les églises sonne.
Il y aura bientôt dix mille paysans à Varennes.
À cinq heures du matin, ce mercredi 22 juin, les courriers
de La Fayette arrivent et présentent au roi le décret ordonnant le retour du
roi et de la famille royale à Paris.
« Il n’y a plus de roi de France », dit Louis.
Louis voudrait retarder l’instant du départ. Il espère
encore l’arrivée des troupes du marquis de Bouillé, ces trois cents hommes du
Royal-Allemand.
Il feint de dormir. On le réveille. Les paysans, les gardes
nationaux, les autorités municipales souhaitent qu’on se mette aussitôt en
route pour Paris, car ils craignent
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