Révolution française Tome 1
de voiture dans la cour des Tuileries :
« À bas l’Autrichienne. »
On se précipite pour tenter de s’emparer des trois gardes du
corps habillés en courriers. Les commissaires les arrachent à ces « tigres »
– comme les nomme Barnave – qui déjà, dans la forêt de Bondy, puis à Pantin, ont
voulu prendre la berline d’assaut. Les femmes étaient les plus haineuses, « tigresses »,
qui menaçaient de dépecer la reine, de l’écarteler.
On a crié : « La bougresse, la putain, elle a beau
nous montrer son enfant, on sait bien qu’il n’est pas de lui. »
C’est la garde nationale qui les a repoussées, et le fait
encore devant les Tuileries. Mais les soldats n’appliquent pas l’ordre qui a
été donné par l’Assemblée :
« Quiconque applaudira le roi sera bâtonné, quiconque l’insultera
sera pendu. »
Mais le roi reste le roi : il n’a été que suspendu.
Dans les appartements royaux, les valets en livrée s’affairent
autour de Louis, font sa toilette.
« En voyant le roi, écrit Pétion, en le contemplant, jamais
on n’aurait pu deviner tout ce qui venait de se passer ; il était tout
aussi flegme, tout aussi tranquille que si rien n’eût été. Il se mit
sur-le-champ en représentation. »
À La Fayette qui vient prendre ses ordres, Louis répond en
riant : « Il me semble que je suis plus à vos ordres que vous n’êtes
aux miens. »
Et Louis note le lendemain dans son Journal :
« Dimanche 26 : Rien du tout, la messe dans
la galerie. Conférence des commissaires de l’Assemblée. »
Ce matin-là, la reine ayant ôté son bonnet de nuit devant sa
femme de chambre, celle-ci constata que les cheveux de Marie-Antoinette étaient
devenus tout blancs « comme ceux d’une femme de soixante-dix ans ».
Dans son Journal, le surlendemain, Louis XVI écrit : « 28 :
J’ai pris du petit-lait. »
24
En ces derniers jours du mois de juin 1791, Paris est écrasé
par une chaleur lourde et orageuse.
Et Louis souffre d’être prisonnier dans les appartements des
Tuileries, de ne pouvoir se promener dans les jardins, sur les terrasses, ni
naturellement chevaucher et chasser dans les forêts.
Les gardes nationaux, soldés ou volontaires, ont dressé des
tentes sur les pelouses. Des sentinelles patrouillent sans relâche. Les portes
des chambres – y compris celle de la reine – doivent rester ouvertes, afin que
les gardes puissent à tout instant s’assurer de la présence des souverains.
Louis a joué un tour à ces patriotes. Il s’est caché derrière
une tapisserie, laissant l’inquiétude gagner ses gardiens, qui ont appelé en
renfort deux sapeurs et douze grenadiers, afin qu’ils brisent les portes dont
ils ne possèdent pas la clé.
— Eh bien me voilà, a lancé le roi, en soulevant le
coin de la tapisserie.
Il lui plaît de constater le malaise de ces « patriotes »
venus l’interroger, qu’ils soient gardes nationaux, commissaires de l’Assemblée
ou même qu’il s’agisse du général La Fayette.
La Fayette et les commissaires, qui reflètent l’opinion de
la majorité de l’Assemblée, n’utilisent jamais le mot d e fuite mais
parlent soit d ’enlèvement, soit de voyage.
S’ils font mention de la Déclaration adressée aux
Français qu’il avait laissée dans la chambre avant de quitter les Tuileries,
c’est pour dire qu’il s’agit d’un brouillon sans valeur, qu’aucun ministre n’a
signé, et qui n’engage pas le souverain.
Ils répètent que le roi est inviolable, qu’on ne peut donc
le juger, et qu’il ne restera suspendu que jusqu’au moment où il aura de
nouveau prêté serment à la Constitution.
Louis, peu à peu, se rassure.
Il mesure combien cette majorité de députés est inquiète à l’idée
que le peuple, et les membres du club des Cordeliers – Danton, Desmoulins –, et
la partie des Jacobins qui suit Robespierre pourraient imposer la République, ou
une régence de Philippe d’Orléans.
Le duc s’est choisi le nom de Philippe Égalité. Il fait mine
d’avoir renoncé à toute ambition personnelle, mais ses partisans – l’écrivain
Choderlos de Laclos, Danton -continuent de mener campagne pour la déchéance du
roi, qui permettrait de faire de Philippe d’Orléans le successeur, le régent ou
le lieutenant général du royaume.
Sinon, un César imposerait sa dictature. Ce pourrait être La
Fayette, ou bien un marquis de Bouillé, qui,
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