Révolution française Tome 2
plus d’invités influents.
Mais le pouvoir attire toujours.
Barras reçoit au palais du Luxembourg, Sieyès, chez lui rue
du Rocher, et l’ancien évêque d’Autun Talleyrand, dont on murmure qu’il sera
bientôt ministre des Affaires étrangères, en son hôtel particulier, proche du
Luxembourg.
Les journaux rapportent les propos tenus dans ces soirées, les
racontent.
« Chez Madame de Viennais ? On joue. Chez Madame
Tallien ? On négocie. Chez Madame de Staël ? On s’arrange. Chez
Ouvrard ? On calcule. Chez Antonelle ? On conspire. Chez Talleyrand ?
On persifle. Chez Barras ? On voit venir. À Tivoli ? On danse. Aux
Conseils ? On chancelle. À l’institut ? On bâille ! »
La vie mondaine, les intrigues de salon, paraissent n’être
que parades, futilités, bavardages sans conséquence. Mais ce n’est qu’apparence.
« Tout semble calme, commente Le Courrier
républicain, et cependant il n’est personne qui ne s’attende à quelque
prochain événement. »
Il se produit dès le 20 mai 1797 (1 er prairial) quand
les nouveaux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents portent à leur présidence
respective, l’un le ci-devant marquis de Barbé-Marbois, ancien diplomate de
Louis XVI, et l’autre le général Pichegru, soupçonné d’être entré en relation
avec les envoyés de Louis XVIII.
Et aussitôt la nouvelle majorité propose des mesures en
faveur des prêtres, et la liberté de « sonner des cloches », et le
contrôle des comptes du Directoire, qu’on accuse de dilapider – à quelles fins ?
– les millions que lui envoie Bonaparte.
Celui-ci n’ignore rien de ce qui se trame à Paris. Il s’est
enfoncé en territoire autrichien. Il a atteint la ville de Leoben, et il a
proposé à l’Autriche que s’engagent des « préliminaires de paix ».
Il n’a pas consulté les Directeurs. Il a décidé de proposer
à l’Autriche un troc : Venise paiera à Vienne la rive gauche du Rhin et la
Belgique abandonnée à la France, car c’est l’Italie « padane » qui
importe à Bonaparte.
Il a aidé les patriotes italiens à créer une République
cisalpine. Il a écrasé une révolte antifrançaise à Vérone, « quatre cents
soldats français massacrés ».
Et ces « Pâques véronaises » ensanglantées – peut-être
suscitées par les services secrets de l’armée d’Italie, pour fournir à
Bonaparte un prétexte – ont permis d’investir et d’occuper Venise, le gage pour
l’Autriche, d’y arrêter un agent monarchiste, le comte d’Antraigues, de saisir
ses papiers et de commencer à les lire, d’y découvrir le nom de Pichegru, et le
détail des négociations conduites entre Louis XVIII et le général aujourd’hui
président du Conseil des Cinq-Cents !
Bonaparte médite.
Il dispose avec les « papiers » d’Antraigues d’une
arme puissante contre les royalistes présents désormais dans les Conseils de la
République.
Et il sent bien que parmi les Directeurs, Carnot et le
ci-devant marquis de Barthélémy sont disposés à aider le Ventre, ces députés
modérés, à faire lentement glisser la République vers une restauration.
Même si Carnot, régicide, est sincèrement républicain, et
même si le ci-devant Barthélémy est un homme timoré.
En face de ces « modérés », il y a ces triumvirs, Barras,
Reubell, La Révellière-Lépeaux, ce dernier exaspéré par le regain de foi
catholique, ce que les modérés appellent l’« antique culte de nos pères ».
Et La Révellière-Lépeaux d’appuyer les républicains qui s’indignent,
protestent, déclarent :
« Vous qui parlez sans cesse de la religion de nos
pères, non, vous ne nous ramènerez pas à d’absurdes croyances, à de vains
préjugés, à une délirante superstition. »
Bonaparte sait que ces triumvirs, et d’abord Barras, ne sont
pas hommes à se laisser déposséder du pouvoir.
Mais Bonaparte ne veut plus être seulement le glaive, le
bras armé de Barras, comme il l’a été le 13 Vendémiaire.
Il veut jouer sa partie, à son profit, apparaître comme l’homme
qui a conclu la paix, avec le pape Pie VI, et maintenant avec l’Autriche.
Et ses courriers déjà parcourent les routes d’Europe, vers
les états-majors des généraux Moreau et Hoche, pour leur annoncer que les
préliminaires de paix ont été ouverts à Leoben.
D’autres courriers apportent les propositions au Directoire
qui ne pourra que les approuver.
Voudrait-il, alors
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