Révolution française Tome 2
que tout le pays aspire à la paix, apparaître
comme le gouvernement partisan de la continuation de la guerre ?
Le Directoire sait-il que, à chaque halte, les courriers de
Bonaparte ont clamé que le général en chef de l’armée d’Italie avait ébauché
avec Vienne une paix victorieuse ? Et la foule d’acclamer.
Bonaparte a envoyé à Paris son aide de camp, La Valette.
L’officier est porteur d’une lettre pour les Directeurs qui
leur annonce que les préliminaires de paix avec l’Autriche sont engagés, aux
conditions fixées par Bonaparte.
« Quant à moi, je vous demande du repos, conclut
Bonaparte. J’ai justifié la confiance dont vous m’avez investi et acquis plus
de gloire qu’il n’en faut pour être heureux… La calomnie s’efforcera en vain de
me prêter des intentions perfides, ma carrière civile sera comme ma carrière
militaire, une et simple… »
Ces derniers mots font trembler les Directeurs.
Que veut ce Bonaparte qui demande un « congé pour se
rendre en France » ?
Et en même temps, ce général Vendémiaire peut être
indispensable, avec son armée victorieuse et chantée par le peuple, pour briser
ces Conseils pénétrés de royalisme.
Le Directoire, dans ces conditions, ne peut qu’approuver le
dernier état des préliminaires de paix : Venise – occupée par les Français
– sera livrée à l’Autriche en échange de la rive gauche du Rhin et de la
Belgique.
Quant à la Lombardie, à l’Émilie, cette riche plaine du Pô, elles
deviennent le cœur d’une République cisalpine.
Bonaparte reçoit enfin le premier courrier que lui adresse
de Paris son aide de camp La Valette.
« Tous, mon cher général, ont les yeux fixés sur vous, écrit
l’officier. Vous tenez le sort de la France entière dans vos mains. Signez la
paix et vous la faites changer de face comme par enchantement. Et alors, mon
général, venez jouir des bénédictions du peuple français tout entier qui vous
appellera son bienfaiteur.
« Venez étonner les Parisiens par votre modération et
votre philosophie. »
Napoléon Bonaparte aime ce printemps 1797.
L’an V est pour lui une année faste.
28.
Bonaparte, en ce printemps de l’an V, rêve donc de rentrer
en France avec la gloire du général vainqueur et l’aura rassurante du faiseur
de paix.
Mais il ne veut pas brûler ses chances, et ne jouer que les
utilités, en se mettant au service de ces triumvirs, Barras, Reubell, La
Révellière-Lépeaux, républicains certes, mais surtout décidés à conserver le
pouvoir.
Ces Directeurs recherchent un « bon » général, pour
disperser à coups de plat de sabre les membres du Conseil des Cinq-Cents ou des
Anciens, ce Ventre royaliste ou tenté de se rallier à une restauration.
Pour Bonaparte, point question de n’être que cet instrument.
Il répète :
« Je ne voudrais quitter l’armée d’Italie que pour
jouer un rôle à peu près semblable à celui que je joue ici et le moment n’est
pas encore venu… »
Il va observer les « badauds de Paris ». Il veut
être indispensable sans pour autant se compromettre en leur compagnie. Il sait
bien que l’opinion les méprise, comme elle rejette les députés du Ventre.
Elle veut des hommes – un homme nouveau.
Il peut être celui-là.
Il a lu avec attention les papiers contenus dans le
portefeuille rouge saisi sur ce comte d’Antraigues qui tentait de fuir Venise.
Il s’agit de rapports faits à d’Antraigues par un agent
royaliste, Montgaillard.
Y est consigné le détail de toutes les négociations
conduites par le général Pichegru avec les envoyés de Louis XVIII. Pièces
accablantes pour Pichegru devenu président du Conseil des Cinq-Cents !
Il avait obtenu pour prix de sa trahison le titre de
maréchal, la croix de commandeur de Saint-Louis, le château de Chambord, deux
millions en numéraire payés comptant, cent vingt mille livres de rentes, réversibles
pour moitié à sa femme, pour quart à ses enfants, et même quatre pièces de
canon !
Bonaparte veut obtenir de D’Antraigues qu’il recopie ces
documents en excluant toutes les indications qu’ils contiennent quant aux
relations conclues entre des officiers de l’armée d’Italie et des envoyés de
Louis XVIII. Il faut que ces pièces expurgées, réécrites, n’aient pour cible
que Pichegru et les royalistes qui le suivent.
« Vous êtes trop éclairé, vous avez trop de génie, dit
Bonaparte à
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