Révolution française Tome 2
la République, au général
Bonaparte, et au Directoire » !
Et il faut compter aussi avec le président du Conseil des
Anciens, Barbé-Marbois, et surtout avec le général Pichegru, président du
Conseil des Cinq-Cents.
On s’observe au cours de cette longue partie d’échecs
politique.
Et tout à coup, Barras dispose d’une pièce maîtresse. Le 23
juin, un courrier de Bonaparte lui remet les documents signés par d’Antraigues.
Ils ne laissent aucun doute sur la trahison du général Pichegru.
Barras les communique à Reubell et à La Révellière-Lépeaux, et
les trois Directeurs sont persuadés que la majorité des Conseils, et
naturellement Pichegru, vont restaurer la monarchie, offrir le trône à Louis
XVIII.
Et Barras décide de faire lire ces pièces accablantes à
Carnot, car l’« organisateur de la victoire » est hostile à toute
idée de restauration.
Carnot a souvent stigmatisé « l’alliance entre l’anarchie
et le despotisme, entre l’ombre de Marat et Louis XVIII ».
Les triumvirs et Carnot sont donc prêts à accueillir les
troupes de Hoche, qui sont, en violation de la Constitution, à quelques
kilomètres de Paris, alors qu’elles doivent s’en tenir éloignées d’au moins
soixante kilomètres.
Les membres des Conseils l’apprennent, protestent, dénoncent
une menace de coup d’État, et contraignent Hoche à démissionner de son poste de
ministre de la Guerre.
Barras n’a plus de sabre à sa disposition sinon celui de
Bonaparte. Le général est populaire, et Barras sait que l’homme n’hésite pas à
faire ouvrir le feu sur les royalistes.
Barras se souvient du 13 Vendémiaire et des tirs à mitraille
sur la foule des sectionnaires modérés, agglutinés devant l’église Saint-Roch.
Et Bonaparte paraît disposé à agir.
Des hommes de plume à son service ont créé à Paris et à
Milan de nombreux journaux, qui exaltent le général en chef de l’armée d’Italie.
« Il vole comme l’éclair, et frappe comme la foudre. Il
est partout et il voit tout », lit-on dans le Courrier de l’armée d’Italie, dans Le Patriote français, La France vue d’Italie, ou le Journal
de Bonaparte et des hommes vertueux.
Toutes ces publications s’opposent aux quatre-vingts
journaux royalistes, où l’on dénonce au contraire « Buonaparte, bâtard de
Mandrin », alors que les journaux « bonapartistes » publient les
harangues du général.
« Soldats, a dit Bonaparte le 14 juillet, je sais que
vous êtes profondément affectés des malheurs qui menacent la patrie, mais la
patrie ne peut courir de dangers réels. Les mêmes hommes qui ont fait triompher
la nation de l’Europe coalisée sont toujours là. Des montagnes nous séparent de
la France, vous les franchiriez avec la rapidité de l’aigle s’il le fallait pour
maintenir la Constitution, défendre la liberté, protéger le gouvernement et les
républicains… »
Le propos est clair : l’armée d’Italie est prête à agir
contre les royalistes.
Et Bonaparte demande à tous ses généraux de faire rédiger
des Adresses qu’ils expédieront au nom des divisions qu’ils commandent
au palais du Luxembourg.
Il faut que les Directeurs et les députés sachent que les
soldats se « prononcent ».
« Il faut que les armées purifient la France », dit
l’une de ces Adresses.
« Les royalistes dès l’instant qu’ils se montreront
auront vécu. »
L’ Adresse de la division du général Augereau est l’une
des plus violentes :
« Des hommes couverts d’ignominie, saturés de crimes, s’agitent
et complotent au milieu de Paris, quand nous avons triomphé aux portes de
Vienne ! Ils veulent inonder la patrie de sang et de larmes, sacrifier
encore au démon de la guerre civile et marchant à la lueur du flambeau du fanatisme
et de la discorde arriver à travers des monceaux de cendres et de cadavres
jusqu’à la liberté qu’ils prétendent immoler…
« Nous avons contenu notre indignation, nous comptions
sur les lois. Les lois se taisent. Qui parlera désormais si nous ne rompons le
silence ? »
Les soldats de l’armée d’Italie interpellent, menacent les
députés du Ventre :
« Vos iniquités sont comptées et le prix est au bout de
nos baïonnettes. »
Dans une autre de ces Adresses, le général Lannes, au
nom de ses divisions, s’indigne que certains, à Paris, se « laissent
intimider par une poignée de brigands. Ils ont sans doute oublié
Weitere Kostenlose Bücher