Révolution française Tome 2
de camp conseille à Bonaparte de ne pas se
compromettre dans les répressions qui se préparent à Paris.
« Les papiers d’Antraigues, écrit La Valette, seront le
prétexte à la répression et le coup de grâce. Les victimes sont déjà désignées.
On imprime déjà secrètement la confession de D’Antraigues prouvant la trahison
de Pichegru. Des affiches seront posées sur les murs dénonçant le complot de l’étranger. »
Et selon La Valette, Augereau fait tinter ses éperons sur
les marches du palais du Luxembourg, déclarant, le poing serré sur le pommeau
de son sabre :
« Je suis arrivé pour tuer les royalistes… La pureté et
le courage de mes soldats sauveront la République du précipice affreux où l’ont
plongée les agents du Trône et de l’Autel. »
Dans le château de Passariano, proche de Campoformio, Napoléon
Bonaparte, loin du théâtre où va se jouer la pièce qu’il a mise en scène, attend.
30.
En cette fin du mois d’août et en ces premiers jours du mois
de septembre 1797 (fructidor an V), Paris est calme.
Personne ne semble se soucier de la présence de près de
trente mille soldats qui se trouvent à quelques kilomètres de la capitale, à la
limite de ce périmètre constitutionnel qu’ils ne doivent pas franchir.
Mais qui pourrait leur résister ?
La garde du Directoire, rassemblée aux Tuileries et que
commande le général Ramel, un officier qui a dénoncé la conspiration royaliste
mais qu’on soupçonne cependant de sympathie pour les clichyens, et pour le
général Pichegru, ne compte que huit cents grenadiers !
Et ce ne sont pas les députés des Conseils ou le peuple qui
défendront le Directoire !
Alors, dans les cafés, les salons, entre les rumeurs qui annoncent
un coup de force du général Augereau, on s’abandonne aux futilités, à la
débauche.
« Le plaisir est à l’ordre du jour », répètent les
journaux.
On s’y livre avec une sorte de frénésie, mais l’on murmure :
« C’est le calme trompeur qui précède l’orage. »
On lit à la première page des gazettes :
« Un événement : le changement de coiffure des
dames Tallien et Bonaparte. Elles s’étaient longuement distinguées par leur
superbe chevelure noire mais enfin il a fallu céder à la manie des perruques
blondes. »
Et quelques jours plus tard, on annonce que « les
cheveux à la grecque à double et triple rang sont en faveur ».
On hausse les épaules quand quelqu’un rapporte que, au sein
du Directoire, Carnot est chaque jour menacé, insulté par Barras et Reubell, et
accusé de complicité avec les royalistes.
Barras le lui reproche d’autant plus qu’au temps de
Robespierre Carnot n’a, selon lui, rien fait pour s’opposer aux terroristes, au
contraire il dressait des listes de traîtres à envoyer au Tribunal
révolutionnaire.
Barras et Carnot en seraient même venus aux mains, Barras
criant :
« Pas un pou de ton corps qui ne soit en droit de te
cracher au visage. »
Il avait fallu les séparer.
Et puis on recommençait à papoter.
« Ce qui occupe, c’est la grande dispute du chapeau
spencer et du chapeau turban. »
On se demande si la mode du soulier de maroquin vert va se
répandre. On dit que les élégantes le portent, le soir, quand elles se rendent
au bal ou au théâtre. On danse dans trois cents lieux, on se presse dans l’une
des trente salles de théâtre.
On y voit la Beauharnais, et Madame Tallien qui divorce et
règne aux côtés de Barras.
Jamais les mœurs n’ont été aussi libres. « C’est Sodome
et Gomorrhe », dit Mallet du Pan.
Et les rapports de police affirment qu’il est « impossible
de se faire une idée de la dépravation publique ».
L’un des commissaires ajoute :
« Les catholiques s’apitoient sur le sort de la
religion qui, étant persécutée, ne peut plus mettre un frein salutaire à tous
ces déportements. Mais les royalistes sourient de cette dépravation. Ils
sentent combien cet esprit de dissolution qui s’introduit dans toutes les
classes de la société fait rétrograder l’esprit républicain. »
Il faudrait des lois « fortes », dit-on.
Et le commissaire ajoute que partout l’on réclame des « institutions
sages et républicaines ».
Mais qui veut prendre des risques pour les rétablir ?
On attend.
Les « honnêtes gens » – les bourgeois de Paris – refusent
de s’enrôler dans la garde nationale. Ils
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