Révolution française Tome 2
côtoient Cloots, l’« orateur du genre humain », des
corrompus, des banquiers étrangers (Proly), des agents au service de Dumouriez,
et même un mouchard qui sera le seul acquitté.
Hébert à l’annonce du verdict de mort s’évanouit.
Et il tremblera tout au long du chemin qui le conduit vers
la guillotine. Debout, Cloots crie, interpelle les citoyens, peu nombreux, qui
regardent passer la charrette :
« Mes amis, je vous prie ! Ne me confondez pas
avec ces coquins », répète-t-il. Et avant que sa « tête ne soit à la
fenêtre » il a le temps de lancer : « Adieu au genre humain. »
Dans les sections sans-culottes, on affirme pour expliquer
le verdict que les Cordeliers alliés des corrompus animaient la « conjuration »,
la « conspiration » de l’étranger, qu’ils étaient complices et
stipendiés de Pitt et de Cobourg.
Leur mort était ainsi un acte de justice et de sauvegarde.
« Si l’enfer est contre nous, dit Couthon, le ciel est
pour nous et le ciel est maître de l’enfer. »
Et Robespierre explique :
« Ce qui constitue la République c’est la destruction
de tout ce qui lui est opposé. On est coupable contre la République parce qu’on
s’apitoie sur les détenus ! On est coupable parce qu’on ne veut pas de la
Vertu ! On est coupable parce qu’on ne veut pas de la Terreur. »
Qui entend ce discours de Robespierre sait bien qu’il menace
Danton et Camille Desmoulins et leur faction, celle des Indulgents.
Et après l’exécution des Girondins, puis des Cordeliers, de
ces personnalités aussi engagées dans la Révolution qu’étaient Brissot ou
Barbaroux, Hébert ou Momoro, on pressent que la mort, inéluctablement, conclura
la lutte contre la faction des Indulgents.
« La férocité entre les patriotes est plus acharnée que
jamais », note le libraire Ruault, qui partage, sans les afficher, les
idées des Indulgents.
« Danton et Camille Desmoulins proposent aujourd’hui
des Comités de clémence au lieu des Comités révolutionnaires, écrit Ruault.
« Mais ceux qui dominent le Comité de salut public et
la Convention nationale ne les écoutent point. L’odeur du sang qu’ils répandent
les anime. Ils traitent Danton et Camille
Desmoulins de contre-révolutionnaires. Je ne vois encore que
ces deux-là qui soient revenus au bon sens… Mais le Comité de salut public n’est
pas encore las de détruire. Sur douze membres dont il est composé, huit sont si
exaltés dans leurs idées révolutionnaires que la raison, l’humanité ne peuvent
se faire entendre ni à leurs oreilles ni à leurs cœurs. Les quatre hommes
honnêtes qui sont là (Carnot, Lindet, Prieur et Jean Bon Saint-André) ne se
mêlent point au Tribunal révolutionnaire. Ils ont chacun leur bureau, leur
besogne à part et confèrent rarement avec Robespierre, Collot d’Herbois, Billaud-Varenne,
Couthon, Saint-Just, Barère… Le succès de nos armées enfle le cœur de ceux-là, et
les encourage à la destruction des citoyens ; ils attribuent ce succès aux
mesures de règne et de cruauté qu’ils exercent… »
Cette Terreur, les hommes des Comités, et d’abord
Maximilien Robespierre, veillent qu’elle effraie – qu’elle « terrorise »
— mais aussi qu’elle soit toujours associée à la Vertu.
Il faut que les sans-culottes, le peuple des démunis, des
ouvriers, des indigents, ces citoyens qu’avaient séduits Marat, les Enragés et
les Cordeliers, qui partageaient les « colères du Père Duchesne » se
persuadent qu’on peut avoir décapité Hébert et Momoro, mais sévir contre les
accapareurs.
Et pour cela les visites domiciliaires, les perquisitions se
multiplient, dans ces courtes journées de l’hiver puis celles du printemps de l’an
II.
« À trois heures de l’après-midi les canonniers
rassemblés ainsi que la cavalerie et plusieurs détachements de la force armée
de réserve ont marché sans bruit, et le Palais-Égalité, ci-devant Palais-Royal,
a été investi. On a fait des visites chez les traiteurs, restaurateurs et
marchands de comestibles. On a examiné les citoyens qui s’y trouvaient. À huit
heures les sentinelles ont été levées. On ignore le nombre de personnes
arrêtées. »
Ces mesures confirment l’idée que Maximilien Robespierre est
bien cet Incorruptible, ce vertueux en qui l’on peut avoir confiance.
Dans ces premiers jours de germinal an II (mars 1794), qui
ont vu les Cordeliers
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