Révolution française Tome 2
indicateurs, de plus en plus
nombreux, car le Comité de salut public a décidé de créer son Bureau de police,
et les membres du Comité de sûreté générale sont ulcérés de cette encoche dans
leurs prérogatives, la police intérieure précisément.
Ils soupçonnent les membres du Comité de salut public de
vouloir instaurer une dictature, qui serait celle de Maximilien Robespierre.
Et même au sein du Comité de salut public, on s’inquiète de
la suprématie de fait de l’incorruptible.
Carnot, dans un rapport à la Convention, déclare le 1 er avril (12 germinal) :
« Malheur à une République où le mérite d’un homme, où
sa vertu même serait devenue nécessaire. »
C’est Robespierre qui, à l’évidence, est visé.
Rares sont ceux qui ont le courage de Carnot.
Partout, dans la me comme dans les sections sans-culottes, dans
les Comités, et à la Convention, tout le monde se méfie, rentre la tête dans
les épaules, tremble.
Les députés, fascinés, ont écouté Saint-Just lire à la
tribune de la Convention le rapport qui doit se conclure par le vote du décret
d’accusation contre Danton et Camille Desmoulins.
Les mots tombent comme autant de couperets, mais la voix est
légère, accordée à l’élégance presque féminine de Saint-Just qui, d’un
mouvement de la main droite, accompagne ses formules les plus tranchantes.
Chaque conventionnel sait qu’au bout du discours, et du vote
du décret, la mort seule est offerte.
Et Saint-Just le reconnaît :
« Il y a quelque chose de terrible dans l’amour de la
patrie, dit-il, il immole sans pitié. »
Le portrait que Saint-Just dresse de Danton et des
dantonistes est impitoyable.
Danton a été, dit-il, le protégé de Mirabeau, ce « personnage
affreux ». Il était aux côtés de Dumouriez, le traître, le déserteur. Il a
cherché à sauver les Girondins. Il a fait l’apologie des hommes corrompus dont
il a été le complice.
« Méchant homme, Danton a comparé l’opinion publique à
une femme de mauvaise vie. Il a dit que l’honneur était ridicule, que la gloire
et la postérité étaient une sottise. Et ces maximes devaient lui concilier l’aristocratie. »
« Je suis convaincu, martèle Saint-Just, que cette
faction des Indulgents est liée à toutes les autres, qu’elle fut hypocrite dans
tous les temps, vendue d’abord à la nouvelle dynastie. » Danton a été le
complice de feu le ci-devant duc d’Orléans. Et la voix de Saint-Just devient
plus aiguë pour conclure, la main droite soulignant toujours d’un mouvement vif
chaque mot :
« Que tout ce qui fut criminel périsse : on ne
fait point de République avec des ménagements, mais avec la rigueur farouche, la
rigueur inflexible envers ceux qui ont trahi. »
Beaucoup de mots, une forte conviction, mais peu de preuves.
Et cependant, le décret d’accusation est voté.
On a joint à Danton et à ses amis des corrompus, des
financiers étrangers, et on a fait de Fabre d’Églantine l’accusé principal, comme
si ce fripon était le cœur de la faction des Indulgents.
Cet homme de quarante-quatre ans, qui fut jeune poète, comédien
ambulant – comme Collot d’Herbois –, auteur de théâtre, d’une opérette, qui
laisse un refrain, « Il pleut bergère », a été un médiocre
traîne-misère que la Révolution « pousse » aux premiers rôles.
Il appelle au massacre, en septembre 1792.
Il s’enrichit. Il devient munitionnaire, vendant à l’armée à
gros prix des souliers qui s’usent en une journée. Et c’est cet homme-là que
Danton, devenu ministre de la Justice, a choisi comme secrétaire, le plaçant
aux côtés de Camille Desmoulins, secrétaire général du ministère.
Fabre est l’un des rouages de l’affaire de la Compagnie des
Indes, corrompu et corrupteur, dénonçant ses complices dont certains – Chabot, d’Espagnac
– sont inculpés comme lui aux côtés de Danton.
Et cet homme-là, auteur du calendrier révolutionnaire, doit
être aux yeux de ce « patriote rigide » qu’est l’incorruptible la
preuve que Danton est bien une « idole pourrie ».
Fabre d’Églantine a des « talents et point d’âme ».
Il proclame des principes mais n’a point de vertu.
« Il est habile dans l’art de peindre les hommes et
beaucoup plus habile à les tromper », dit Robespierre.
Fabre, au Tribunal révolutionnaire, a droit au fauteuil du
principal accusé. Danton et les autres sont
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