Richelieu ou la quête d'Europe
influence équivalant à celle des cardinaux. Il ne reçoit d’ailleurs qu’un accueil mitigé. Le prélat sait que son heure n’est pas venue. Il préfère retourner à la prédication pour mieux observer la cour.
Richelieu s’aperçoit très tôt que la régente gouverne selon deux principes : couvrir les princes de richesses pour annihiler toute ambition politique ; favoriser au contraire celle des Concini. Le jeu est dangereux car les Grands sont velléitaires. Leur neutralisation est très provisoire. Quant aux Concini, leur puissance s’accentue rapidement. À la fin du mois d’août 1610, Léonora Galigaï a reçu suffisamment d’argent de la souveraine pour procéder à l’achat du marquisat d’ Ancre . Un mois plus tard, le couple favori fait l’acquisition des gouvernements de Roye , Péronne et Montdidier . Et ce n’est pas tout : la dame d’atour de la reine obtient l’exemption d’impôts pour ses terres d’Ancre, tandis que son mari achète la charge de premier gentilhomme du roi. Concino Concini est désormais l’un des personnages les plus importants de la cour, sans doute le plus influent. Dans l’ordre subtil des préséances, il n’est plus précédé que par le grand écuyer. La dignité qu’il a acquise lui permet même de porter le titre d’« illustrissime » !
L’évêque de Luçon est encore trop éloigné de cet univers. Homme d’Église attaché aux préceptes du concile de Trente , il juge plus prudent de se consacrer prioritairement à son diocèse et à ses ouailles. Richelieu sait parfaitement que son sacerdoce constitue aussi un moyen détourné d’approcher les sphères décisionnaires, dont il perçoit si aisément les hésitations.
La question de la succession de Clèves et de Juliers se pose toujours à Marie de Médicis. Le décès d’Henri IV a remis en cause tous les projets militaires de la monarchie, en particulier une attaque contre les intérêts espagnols dans les Pyrénées, combinée à une offensive contre la maison d’ Autriche , dans le nord de l’ Europe , avec l’appui des princes protestants d’ Allemagne . La veuve du souverain assassiné choisit de réduire strictement les ambitions françaises à l’expédition de Juliers. L’armée réunie en Champagne est prête à se mettre en route. Marie de Médicis en confie le commandement au maréchal de La Châtre. Elle prend soin d’une part de rappeler que l’expédition n’est dirigée ni contre le roi d’ Espagne ni contre l’empereur, d’autre part qu’il s’agit d’aider l’Union de Halle, alliée de la France, contre la Ligue catholique menée par le duc Maximilien de Bavière . La reine mère peut ainsi obtenir de Madrid , qui s’inquiète de la progression des Wittelsbach dans l’Empire, l’autorisation pour ses troupes de traverser les Pays-Bas espagnols.
Fin juillet 1610, le maréchal de La Châtre arrive devant Juliers dont il entreprend aussitôt le blocus. La place se rend dès le 3 septembre. L’événement n’entraîne aucune réaction de la part des Habsbourg et permet à Marie de Médicis de s’affranchir définitivement des engagements pris par son défunt mari. Le traité de Brussol prévoyait une offensive du duc de Savoie , avec le soutien français, contre les soldats espagnols stationnés en Lombardie . L’armée du Dauphiné ne bouge pas. L’alarme du duc de Savoie est d’autant plus vive que les subsides promis par Henri IV lui font également défaut. La régente finit d’ailleurs par annoncer qu’elle n’a plus l’intention de fournir quoi que ce soit et remet en cause le projet d’union matrimoniale. Marie de Médicis préfère avantager une autre proposition : celle de l’ Espagne . Louis XIII épouserait l’aînée des filles de Philippe III, Anne, et Élisabeth de France , l’infant Philippe, héritier du roi catholique. Le duc de Savoie n’a plus qu’à solliciter le pardon espagnol. La rupture avec la politique étrangère mise en oeuvre par Henri IV est consommée. Le phénomène gagne peu après la politique intérieure.
Le 26 novembre, le Parlement ordonne la saisie de l’ouvrage du cardinal Bellarmin proclamant la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Ce faisant, les juges s’arrogent l’exorbitant pouvoir de mettre en balance prérogatives ecclésiastiques et prérogatives civiles, y compris l’autorité royale. Puis, au mois de janvier 1611, Sully se retire. Il n’accepte plus
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