Richelieu ou la quête d'Europe

d’être assujetti au Conseil et de devoir rendre compte de son administration à Marie de Médicis. La régente, autant que les Concini, le déteste. Le fidèle serviteur du premier souverain Bourbon ne craint pas de critiquer les complaisances dont la reine mère use vis-à-vis des Grands et de ses favoris. Il désapprouve également les mariages espagnols préparés par le Conseil secret, dont il est exclu. Sully se démet de ses charges de surintendant des finances et de gouverneur de la Bastille, mais conserve celles de grand maître de l’artillerie, de surintendant des fortifications et de gouverneur du Poitou . La charge de surintendant des finances est alors supprimée et remplacée par trois directeurs de finances, Guillaume de L’Aubespine, marquis de Châteauneuf, Jacques-Auguste de Thou et Pierre Jeannin. La retraite de Sully laisse le champ libre à Concini. Les protestants, de plus en plus inquiets de la tournure des événements, décident de se réunir à Saumur . Leur chef n’est autre que le duc de Rohan, gendre de Sully, qui propose d’organiser la défense armée de ses coreligionnaires. Une dangereuse agitation gronde à nouveau dans le royaume.

    Au printemps, après un séjour de quelques mois à Luçon , Richelieu est de retour à Paris . La qualité de l’oeuvre réformatrice de l’évêque et celle de ses discours jouent indéniablement en sa faveur. Le cardinal du Perron continue à tenir les propos les plus élogieux à son égard devant le tout-puissant Concino Concini. Surtout, Richelieu rencontre alors un capucin, le père Joseph du Tremblay, pour la réforme de l’abbaye de Fontevrault . Tous deux nouent des liens d’amitié indéfectibles et entament une collaboration qui s’avère déterminante dans l’ascension de l’évêque de Luçon, puis dans sa réussite aux affaires d’État.
    Le capucin est de huit ans plus âgé que Richelieu. Comme ce dernier, il est gentilhomme. Né François Le Clerc du Tremblay, il a suivi de solides études, similaires à celles de Richelieu, avant de devenir officier de l’armée royale. En 1599, une irrésistible vocation l’a poussé à embrasser la cléricature. C’est le père Joseph qui introduit Richelieu à la cour en 1611, cette fois directement auprès de Marie de Médicis. Disciple du cardinal de Bérulle, le capucin jouit d’une faveur particulière auprès de la reine, car il fait preuve d’un dynamisme intense voué à la restauration de l’Église catholique. Il s’est déjà employé à lutter contre la déchristianisation des campagnes françaises et à reconquérir les âmes tentées par les thèses réformées. À la demande d’Éléonore de Bourbon, tante d’Henri IV, qui apprécie la lutte menée par le père Joseph contre le foyer protestant implanté à Saumur , il entreprend la réforme de l’abbaye royale de Fontevrault , en s’adjoignant les services de l’évêque de Luçon .
    La vie de l’abbaye est devenue trop mondaine. L’abbesse ne se sent plus la force nécessaire pour mener à bien les réformes qui s’imposent. Sur les conseils du père Joseph, Éléonore de Bourbon obtient comme coadjutrice sa nièce, Antoinette d’Orléans, chargée des travaux que sa tante ne peut accomplir. Depuis 1609, Richelieu, qui détient le prieuré des Roches, voisin de Fontevrault, dispense ses avis à la jeune femme pour la direction de sa conscience. Or Éléonore de Bourbon décède le 26 mars 1611. Le père Joseph s’adresse naturellement à l’évêque de Luçon pour convaincre Antoinette d’Orléans de prendre la tête de l’établissement à la suite de sa parente. Celle-ci refuse obstinément, mais fonde, par la suite, l’ordre des Filles du Calvaire.
    Quant au père Joseph, il devient provincial des capucins en Touraine . À ce titre, il réside souvent à Chinon ou au prieuré des Roches, à l’invitation de Richelieu. Marie de Médicis s’intéresse au projet de réforme de l’abbaye royale. Elle accepte d’accorder une audience sollicitée par le père Joseph pour lui présenter l’avancement de l’entreprise et l’évêque de Luçon . Pour la reine, l’affaire n’est pas seulement religieuse. La réunion des députés huguenots sous l’égide du duc de Rohan s’achève à Saumur à la mi-septembre 1611. La France protestante s’organise en cercles pour défendre ses intérêts. Son chef de file poursuit trois objectifs : l’union des réformés, leur admission à toutes les